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C’est mon copain Jaffret qui en est l’aimable auteur.

— La paix ! fit l’ami des oiseaux ; je n’aimerais pas plaisanter avec ce garçon-là ! Il a du talent.

— Il est superbe ! Et encore nous ne savons pas tout ! Le gaillard doit cacher sous roche une anguille d’une terrible longueur !

— Un boa !… Mais chut ! Il a fait sa revue.

Roland refermait l’armoire d’un geste courroucé, après l’avoir inspectée.

Il ne se retournait point, cependant ; il semblait songer.

— Et il était temps d’arriver ! poursuivit Comayrol. La comtesse avait pris les devants avec son Annibal !

— Tant que celle-là travaillera, murmura le bon Jaffret en soupirant, on aura bien de la peine à gagner sa vie !

— Messieurs, dit Roland qui revenait à eux le visage pensif, mais nullement déconcerté, je suppose que vous êtes des gens singulièrement habiles, quoiqu’il ne soit pas très malaisé de soustraire quelques vêtements oubliés dans une maison isolée, chez un homme sans défiance, à qui ces pauvres dépouilles n’importaient point, — sinon comme souvenirs ; mais fussiez-vous cent fois plus habiles, eussiez-vous, réunies, toutes les qualités qui font les grands diplomates et les dangereux criminels, qui font aussi les limiers fins, les juges clairvoyants, les tacticiens vainqueurs, vous resteriez encore aux antipodes de la vérité pour ce qui me regarde. Vous êtes ici en face d’un problème inouï ; vous m’entendez bien : inouï ! Cet homme qu’on accusait d’avoir visé son ennemi à soixante-quinze pas et qui était aveugle, cet autre à qui l’on imputait d’avoir crié vive l’empereur prisonnier ou vive le roi en exil et qui était muet, cet autre encore à qui l’on disait : vous avez frappé avec le poignard, et qui montrait ses deux épaules sans bras, toutes ces curiosités familières aux personnes de votre sorte, ces fleurs du jardin botanique du crime