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bonnets, mais gardant un pied à l’étrier, concevez-vous ? ce n’est pas la police, fi donc ! ah ! mais du tout, c’est mieux… et ne vous gênez pas, si vous avez besoin d’un bon renseignement, nous voilà !

— Je n’ai besoin de rien, l’interrompit Roland.

— Savoir ! Nous autres, nous avons besoin de tout. Voilà donc qu’un jour, où la pluie l’empêchait de se promener, notre ami et collègue Jaffret eut la curiosité d’apprendre un petit bout de votre histoire.

— Moi, s’écria Jaffret. Par exemple !

— Il n’aime pas à être mis en avant, reprit Comayrol. Ce fut peut-être moi, ou un autre ; il importe peu ; nous sommes comme cela beaucoup d’amis et collègues. Je me disais : quel abominable coup a-t-il donc fait, ce bel amoureux, dans un moment d’erreur ou d’ivresse, pour en être réduit à mener paître ce troupeau de chenapans mal peignés, les rapins de l’atelier Cœur-d’Acier ?

Roland le regarda fixement : Comayrol rougit et reprit en essayant de railler :

— Peste ! il y a des balles dans vos pistolets, Monsieur le duc ! Mettons que je n’ai rien dit. Tous vos rapins sont des amours. Des goûts et des couleurs, il ne faut jamais disputer… Je me demandais donc cela, et un matin que j’avais le temps, j’allai au marché acheter de la science, ce n’est pas la police, parole d’honneur ! Je rapportai un plein panier de science et pour pas cher ! toute votre histoire, depuis l’homme déguisé en femme qu’on trouva étendu sous un réverbère, ici près, rue de la Sorbonne, jusqu’à la petite tombe sans nom du cimetière Montparnasse, en passant sur le beau muscadin qui suit, au bois, l’équipage des dames de Clare…

Jaffret se frotta les mains, un peu. Roland avait baissé les yeux.

Mais dès que l’ex-roi Comayrol eut cessé de parler, Roland releva les yeux et