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Jaffret, je tiens à dire que ce voisinage est le motif pour lequel je me suis permis d’appeler M. Cœur, Monsieur et cher voisin, dans le courant de mon improvisation.

— Monsieur et cher voisin, dit Roland qui baissa la voix et le regarda en face, vous m’avez appelé encore autrement, dans votre lettre anonyme.

— Ça, c’est le fond ! répliqua Comayrol en donnant le coup de doigt à ses lunettes d’or, juste au milieu et d’un geste magistral.

Roland reprit :

— Alors, Messieurs, venons au fond. J’avoue que je serais curieux de savoir comment vous avez appris que j’avais droit à ce titre de duc.

Ce disant, Roland s’assit d’un air tranquille et parfaitement délibéré. Comayrol et Jaffret échangèrent un regard. Tous deux avaient la même pensée : l’ancien Joulou avait dû parler !

Et Comayrol ajoutait en lui-même :

— Cette misérable brute me le paiera !

— Je dois vous prévenir tout de suite, reprit Roland, que j’ai reçu ce matin la visite d’un charmant cavalier : M. le vicomte Annibal Gioja, des marquis Pallante…

— Des marquis du diable ! gronda Comayrol, qui appuya sur sa cuisse un violent coup de poing, nous le savons pardieu bien, et si c’est comme cela qu’on mène les affaires, je n’en suis plus… Votre vicomte Annibal est un coquin, Monsieur Cœur !

— Cela me fait cet effet-là, répondit paisiblement le jeune peintre. Aussi l’ai-je mis à la porte.

La bouche du bon Jaffret eut une moue involontaire et Comayrol lui-même resta tout étonné.

— Diable ! murmura-t-il. La personne qui tire les ficelles de ce pantin-là est de celles avec qui on ne badine pas, jeune homme !