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— Un grand danger la menace, poursuivit lentement le comte, celui qui la défendra courra un danger plus grand : la connaissez-vous ?

— Oui, répondit Roland qui releva la tête, je la connais, Monsieur.

— Voilà qui est bien parlé ! dit le comte en se redressant aussi comme malgré lui. C’est une noble enfant. Moi, je l’aime parce qu’en elle j’ai retrouvé ma conscience. Le mal s’expie par le bien… N’avez-vous jamais été blessé d’un coup de poignard ?

Il prononça ces derniers mots d’un ton timide. Roland laissa échapper à dessein un geste d’impatience ; mais les yeux du comte s’étaient détournés de lui et il poursuivit comme on cause avec soi-même :

— Pour le bien reconnaître, il me faudrait le voir couché, la nuit : moi penché sur lui et ma figure tout près de la sienne… Marguerite m’avait rendu fou…

Puis, s’adressant à Roland qui réussissait mal désormais à feindre l’indifférence, il continua en élevant la voix et avec une soudaine chaleur :

— Le jeune homme qu’on soigna au couvent de Bon-Secours, c’était lui. Il ne mourut pas ; il s’enfuit. On trouva un mort, cette nuit-là, qui était la nuit de la mi-carême, dans la rue Notre-Dame-des-Champs. Ce n’était pas lui… Sur l’honneur, ce n’était pas lui, j’en suis sûr, car j’allai voir le mort ; la police était là, aussi la justice ; je risquais gros, moi, l’assassin…

Il tressaillit de la tête aux pieds et s’arrêta.

— Ai-je dit que j’étais un assassin ? murmura-t-il, tandis que ses cheveux se hérissaient sur son crâne. Il ne faut pas me croire. Nous étions armés tous deux ; ce fut un duel… et je croyais, oh ! oui, je croyais qu’il avait volé les vingt mille francs à Marguerite !

Roland dit, et c’était le résumé d’un monde de pensées :

— Comment êtes-vous le tuteur de la princesse d’Eppstein ?

— Un homme comme moi, n’est-ce pas ? s’écria le comte avec un éclair de vive in-