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désormais, comme une immense boîte à double fond, et qui pensaient qu’en soulevant n’importe quel pavé, on devait découvrir une surprise.

Cette délicieuse princesse Nita nous l’a dit : l’atelier Cœur d’Acier était mûr pour la gloire : les vaudevillistes allaient s’occuper de lui !

Mais il y avait loin, quoi qu’on puisse penser, de l’atelier Cœur-d’Acier à M. Cœur. M. Cœur ne cherchait point la gloire. C’était un parfait solitaire, vivant avec lui-même, ne donnant à personne aucune part de ses chagrins ni de ses joies. Ce n’est pas qu’il eût élevé un mur entre lui et ces braves rapins qui parlaient de lui avec tant de chaleur ; bien au contraire, il leur montrait chaque jour son visage ami et bon ; il faisait même mieux et pouvait passer pour la Providence visible de l’insouciant troupeau. Ce n’est pas non plus qu’il se cachât en aucune façon aux gens du dehors ou qu’il étendît un voile quelconque sur ses actions. Il sortait en plein soleil au vu et au su de tout le monde, son magnifique cheval anglais caracolait gaiement dans ces tristes rues qui descendent la montagne Sainte-Geneviève. En outre, quoiqu’il ne suivît point les caprices de la mode avec la minutieuse servilité des dandys, il était toujours mis fort élégamment.

Il eût été difficile de trouver un cavalier plus admirablement beau. Les pauvres filles de la ville des écoles avaient retenu l’heure à laquelle il passait, soucieux et pensif, tenant en bride son anglais fringant. Tout le long de sa route, il y avait bien des minois rougissants et curieux derrière les rideaux de mousseline.

Il avait deux routes. Tantôt il montait la rue de la Harpe et tournait le boulevard extérieur au rond-point de l’Observatoire, tantôt il prenait les quais et s’en allait, suivant la Seine, jusqu’aux Champs-Élysées, dont la grande avenue le menait au bois.