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au lieu de répondre, et Mme Favier murmura d’un ton de rancune :

— La princesse n’est plus une enfant, elle fait ce qu’elle veut, Dieu merci !

— Quoi qu’on vous dise ou qu’on vous fasse entendre, Madame, l’interrompit le comte avec une sévérité froide, vous êtes aux ordres de ma pupille, ne l’oubliez jamais !

Il serra la main de Nita dans ses deux mains. Son regard exprimait un respect tendre et bon. En descendant, Nita lui donna son front à baiser et prononça tout bas le nom de son amie.

Il y eut de la surprise dans les yeux demi-baissés de Rose, pendant que le comte la saluait avec une bienveillante courtoisie. La dame de compagnie pinça ses grosses lèvres et se prépara à descendre.

— Restez, lui dit le comte du Bréhut. Vous attendrez ici.

Il ajouta, en offrant sa main à Rose :

— Soyez la bienvenue, Mademoiselle de Malevoy ; je ne suis pas de ceux qui accusent votre frère.

— Qui donc accuse mon frère, Monsieur ? demanda Rose qui lui retira sa main d’un geste plein de hauteur.

— Ceux que ton frère accuse, peut-être, répondit Nita dont les grands yeux rêvaient.

Et M. le comte du Bréhut murmura :

— Entre votre frère et ceux-là, Mademoiselle, je crains que la lutte ne soit pas égale.

Ils étaient à la porte même de l’atelier Cœur-d’Acier, sous le fameux tableau que la bise balançait. La calèche attendait au bout de la rue. Le comte se découvrit et fit passer les deux jeunes filles. Avant d’entrer, il leva la tête pour jeter un regard à la cinquième fenêtre du joli appartement du bon Jaffret. À cette fenêtre deux têtes curieuses étaient penchées. M. le comte agita son chapeau en s’inclinant gravement.