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— Est-ce qu’on ne pourrait pas trouver un endroit plus commode pour les affaires, patron ?

— Nous sommes bien ici, répliqua M. Lecoq. Je suis pressé.

Comayrol se rapprocha de Roland qui semblait une masse noire, appuyée contre le pilier, et se pencha sur lui.

— Dormez-vous, la bonne vieille ? demanda-t-il.

Comme Roland ne bougeait pas, il le poussa du pied. Roland s’affaissa de côté et resta immobile.

— C’est une souche ! dit Lecoq. Laisse-la dormir et parle. Pourquoi ceux-ci sont-ils bons à brûler ?

— Parce que, répondit Comayrol, Léon Malevoy a acheté et payé l’étude Deban, aujourd’hui même.

— Ah bah ! fit Lecoq. Jolie opération ! Et vous pensez qu’il va faire maison nette ?

— Il nous connaît assez bien pour cela, repartit modestement Comayrol.

M. Lecoq était pensif.

— Il n’est pas encore temps de prendre les titres, murmura-t-il en se parlant à lui-même. M. le duc pourrait les réclamer, et cela gâterait tout. Laissons aller. Ce Léon Malevoy ne connaît pas toutes les charges de son étude… Et il n’y a de bon à brûler que ce pauvre vieux Deban, dont je ne donnerais pas dix louis… Voilà où mène la mauvaise conduite !

Comayrol dit Amen de bon cœur ; Mme la comtesse eut un frisson sous son domino.

— J’ai froid, dit-elle, rentrons au bal.

— Non pas, ma toute belle, répliqua M. Lecoq. Si vous avez froid, marchons, cela réchauffe. Je suis ici pour plus d’une affaire, et celle que nous avons ensemble n’est pas finie. Quoi de nouveau au no 10 de la rue Sainte-Marguerite, Comayrol ?

Ce disant, il offrit son bras à sa compagne et tous trois remontèrent la galerie qui était déserte en ce moment.

« Au no 10 de la rue Sainte-Marguerite », tels furent les premiers sons qui touchèrent utilement l’oreille et l’intelligence de Roland. Cela ne l’éveilla pas, car son engourdissement était profond et tenace, mais il essaya d’écouter comme on fait parfois en rêve, et certes, si Marguerite eût parlé à la place où elle était na-