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— Non, non, murmura-t-il, je ne m’arrêterai pas. Je suis resté trop longtemps là-bas. Il faut que je trouve Marguerite !

Il monta la rue en se tenant aux murailles, car sa force l’abandonnait ; il monta toute la rue de l’Ancienne-Comédie. Le trouble de son cerveau était au comble ainsi que son épuisement physique, mais il cherchait Marguerite pour la tuer.

À un tournant de la rue, il vit la façade de l’Odéon illuminée du haut en bas. L’Odéon était alors un théâtre à la mode ; on y donnait des bals très brillants !

Roland eut d’abord envie de changer de route, mais ces clartés l’attiraient. Il marcha encore et sa cervelle se vida. Il allait sans plus savoir où, regardant ces lumières comme un maniaque ou comme un enfant.

Sur la place, il y avait un grand mouvement ; les rues convergentes étaient pleines de voitures qui attendaient. Tous les cafés encombrés de chalands répandaient au-dehors des chansons, des rires et des lumières. Le perron du théâtre ruisselait de masques et de dominos ; au-dessus de tous les bruits sortis de cette foule en goguette et qui emplissaient la place d’un long murmure, les murailles épaisses du théâtre laissaient sourdre les accords de l’orchestre.

Le cœur de Roland se serra mortellement. Il était entré dans cette foule malgré lui et comme le vertige vous pousse vers un abîme. Il y étouffait ; il eût voulu en sortir à tout prix. La fièvre glaçait de plus en plus ses membres grelottants et brûlait sa pauvre tête où rien ne restait, pas même cette confuse idée de vengeance contre Marguerite, qui avait tué sa mère.