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de Clare… Il y avait sur le papier qu’elle me donna : Raymond Clare, Fitz-Roy, Jersey, duc de Clare !…

Le secret de la pauvre femme était avec elle, sous la terre, et Roland n’avait pas envie de connaître ce secret.

Roland n’avait ni désir, ni espoir, ni crainte ; il végétait en une sorte d’anéantissement. La pensée de sa mère surnageait seule, réduite à des proportions enfantines ; son unique volonté était de chercher sa tombe au cimetière et de s’asseoir auprès.

Il se dirigeait vers ce but comme on rentre chez soi après une longue fatigue. Au-delà de ce dessein accompli, c’était le néant.

Il marchait donc pour gagner le cimetière Montparnasse ; mais il ne s’inquiétait point de savoir s’il suivait la bonne route, et le hasard seul le guidait dans une direction qui le rapprochait de son but.

— Je ne l’ai pas assez remerciée, se disait-il, en songeant à la voisine. Elle a veillé maman cinq nuits, et maman est morte dans ses bras.

Il s’arrêta tout à coup à l’angle de la rue de l’Ancienne-Comédie. Sa taille courbée se redressa si brusquement, que ses deux mains se portèrent à sa blessure qui rendit un profond élancement. Il regarda tout autour de lui, et vous eussiez dit qu’il cherchait son chemin.

Mais ce n’était pas cela. Il cherchait quelqu’un dans les ténèbres de la fièvre qui le brûlait.

Il dit tout haut :

— C’est Marguerite qui a tué ma mère !

Et il s’élança comme s’il eût voulu saisir l’assassin.

Au bout de quelques pas ses jambes fléchirent.