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petite nuit sans fermer l’œil !

Mais elle dit cela en riant et se versa une abondante tasse de café.

— Iras-tu me dénoncer à la bonne femme, toi ? demanda-t-elle en se tournant brusquement vers le blessé. Il y a des gens que le café noir empêche de dormir. Moi, ça me connaît trop… Hé ! petit, veux-tu une goutte, ma poule ?

Sa bouteille était vide. Elle avait l’humeur folâtre, ce soir.

— Par moments, poursuivit-elle, on croirait qu’il est perclus comme un sabot. Comment donc que la vieille l’appelait ? Hé ! Monsieur Roland ! un gloria pour faire votre mi-carême ?

Ceci était pour le blessé une date et une explication de tous les bruits qui venaient du dehors. Roland fit rapidement le compte des jours. La sueur froide lui vint aux tempes. Sa mère attendait depuis plus de trois semaines !

— Tout de même, reprit la Davot en humant son café fortement saturé d’eau-de-vie, ça doit lui sembler bon à la vieille de courir le guilledou dans Paris… De quoi ! pour cent francs de hardes ! ne voilà-t-il pas un riche cadeau !… Si je savais seulement de quoi il retourne, je parie que j’aurais une rente viagère… Voilà neuf heures, pourtant ! à dodo, Madame Davot !… que vous dormiez ou non, vous vous en irez demain. Il n’y a plus rien à faire. À dodo !

Elle s’arrangea bien commodément à l’indicible satisfaction de Roland qui la regardait faire. Sa face rouge et ses yeux chargés de sommeil disaient avec quelle rigueur elle allait accomplir la première partie de son programme : passer une bonne petite nuit.

Une demi-heure après, en effet, elle ronflait comme une toupie d’Allemagne.

Roland attendit une autre demi-heure.