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agenouillé et demandant pardon de sa première folie, mais par le bruit public ou la voix brutale des journaux judiciaires.

Il ne s’étonnait point d’aimer si ardemment sa pauvre mère malade, mais il s’avouait qu’il ne l’avait jamais si bien aimée. Dans la rigueur du terme, il eût risqué sa vie mille fois pour lui épargner cette honte et cette douleur.

Il se représentait cette chambre triste, cette couche solitaire et de si longs jours d’attente ! quelles nuits ! Elle avait murmuré si souvent à son oreille : Je n’ai plus que toi !…

Voilà le fait. En cherchant des habits, il fit le tour du parloir et revint derrière le paravent. Sa tête et son cœur étaient pleins, mais son estomac criait la famine. En passant près de la Davot, une idée triomphante surgit en lui : ne pouvait-on bâillonner cette femme et la lier solidement, puis la dépouiller, puis se revêtir de son costume !…

C’était une robuste personne. Dans l’état actuel des choses, elle eût terrassé notre Roland d’une chiquenaude, mais il n’en croyait rien. L’idée lui monta au cerveau et donna trêve à sa rêverie sentimentale. Il s’arrêta au coin du paravent et contempla sa garde le cœur plein de pensées belliqueuses. Il traça un plan d’attaque, cherchant avec bonté les moyens de lui faire le moins de mal possible.

La Davot ne se doutait guère du danger qu’elle courait.

Roland, cependant, se retourna ; une odeur tentatrice avait touché ses narines. La même chose peut produire des effets bien différents. Ce déjeuner, que la garde avait éloigné d’elle avec dégoût, Roland s’en rapprocha, tout frémissant de ce bienheureux appétit que seule la jeunesse convalescente peut connaître. Il pensait toujours à sa mère, à ses plats, à la Davot garrottée et bâillonnée, mais il y pensait la bouche pleine.