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les secourables précautions de langage. C’est austère et impudent comme la Morgue.

Roland entendit en lui-même le résumé de l’instruction qui disait en le montrant au doigt : celui-ci a été assassiné au seuil d’une maison infâme. Il en sortait. Il avait vingt billets de mille francs dans un portefeuille. Il est le fils d’une femme qui se meurt dans la misère !

Posée ainsi, l’accusation atteignait jusqu’à sa mère !

Il n’y avait que deux moyens d’empêcher l’accusation de se produire au grand jour de la publicité : fuir ou mourir incognito avant d’avoir parlé.

Pour un esprit sage, ces deux moyens étaient aussi absurdes et impossibles l’un que l’autre. Roland, cependant, n’en repoussa qu’un : la mort. Il avait contracté une nouvelle dette envers sa mère ; il le sentait profondément ; il voulait vivre pour sa mère.

Restait la fuite. Il ne pouvait pas faire un mouvement dans son lit. Une fois née, cependant, cette idée de fuir, ce fut chez lui un incessant et dévorant travail. Il était fait ainsi : hardi, patient et fort.

Il essaya dès la première minute. Son corps inerte désobéit à son effort. Il fit appel à son esprit.

Mais alors, une autre préoccupation vint à la traverse. La notion des jours écoulés depuis la catastrophe n’était pas exacte en lui. Il exagérait la mesure du temps qui lui semblait long mortellement. Il se faisait la question que précisément nous nous sommes faite ; il se demandait : comment ma mère ne me cherche-t-elle pas ? comment ne me trouve-t-elle pas, si elle me cherche ? La réponse n’était que trop facile. Le docteur Abel Lenoir avait dit : elle a grand besoin d’espérer…

Roland la vit sur son pauvre lit solitaire. Que pouvait-elle, sinon prier ?

Roland pria et pleura. Le premier mouvement de son bras fut pour essuyer une larme, et tout aussitôt un flux de joie lui