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profondeurs et ravagé la région péricardiaque selon une ligne si dangereuse qu’il y avait eu, au premier moment, cent à parier contre un pour la mort immédiate. Jusqu’ici, rien que de vrai. Pendant plus d’une semaine, la vie était restée en lui à l’état de somnolente végétation. Dans cette période, le moindre effort, venant troubler la nature au moment où elle renouait avec lenteur la série des fibres rompues, eût été mortel. Le chirurgien avait raison ; ils ont toujours raison quand ils ordonnent ce repos et ce silence qui favorisent l’admirable travail du principe vital, luttant contre la destruction.

Les investigations de la justice avaient eu lieu réellement à une heure où le blessé ne pouvait ni répondre ni même entendre.

Mais, depuis plusieurs jours déjà, la Davot l’avait presque deviné, le blessé voyait, entendait, vivait dans toute la force du terme. S’il l’eût voulu, il aurait pu soutenir un interrogatoire.

Il ne voulait pas.

Une nuit que la Davot veillait consciencieusement, lisant un roman de Paul de Kock, demi-caché sous un livre de prières, Roland sortit de son lourd sommeil. Ce fut comme une naissance. La pensée lui revint lentement et confusément.

À ce premier instant, il n’aurait pu ni parler ni remuer.

Le roman était très gai, il faut le croire. De temps en temps, la garde riait toute seule et de bon cœur. Roland avait soif dans sa gorge et peur dans son cerveau.

Une peur vague qui se traduisit par le nom de sa mère, lequel monta de son cœur endolori jusqu’à ses lèvres muettes.

Ce nom suffit à lui raconter sa propre histoire. Il revit, comme un rêve, les événements de la dernière nuit du carnaval. La beauté de Marguerite passa devant ses yeux, pareille à un grand éblouissement, il eut la saveur de cette voluptueuse et terrible entrevue, puis l’angoisse du dénouement inattendu, puis encore, sa plaie