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s’endormir. Elle rêva tout éveillée de fortune faite.

Le confesseur, cependant, revint de l’hôtel de Clare avec l’explication du silence de M. le duc. M. le duc était à Rome depuis un mois avec la princesse Nita, sa fille. Il devait y passer l’hiver.

Rome était loin, en ce temps, surtout en hiver. La mère Françoise d’Assise témoigna le désir qu’un exprès fût dépêché à Rome. Une demi-heure après, l’estafette montait à cheval.

Ces diverses choses firent causer, Dieu sait comme, dans le couvent. Depuis la fondation de l’ordre, jamais pareille charade n’avait été proposée à la curiosité des bonnes sœurs. Les préoccupations étranges de la mère Françoise d’Assise n’apparaissaient pas aux habitantes du couvent comme à nous ; un voile mystérieux restait entre elle et les regards ; mais quelque chose transpirait et ce quelque chose suffisait amplement à mettre en danse les langues, d’avance émoustillées par ce fait : la présence du blessé dans le parloir.

C’était déjà tout un roman que l’existence de cette vieille princesse, morte au monde, ensevelie sous la bure et qu’on sentait, plus qu’on ne la voyait à l’intérieur du couvent. Elle vivait de pénitence, de prière et d’oubli, mais on la traitait comme une reine, et l’apparition périodique du carrosse ducal, attelé de quatre chevaux, était toujours un événement.

Or, voilà que cet antique mystère se mêlait tout à coup à un mystère nouveau. Qui était ce jeune homme ? Quel lien le rattachait à cette grande race qui allait dépérissant et que le sexe du dernier enfant, la petite princesse Nita, condamnait fatalement à mourir ?

Une fois l’exprès parti, la mère Françoise d’Assise retomba dans son apparente immobilité. Elle ne descendit point au parloir pendant la semaine qui suivit : seulement, chaque matin, la Davot venait lui faire son rapport. C’était encore ici quel-