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me rendre au parloir, répondit la vieille religieuse.

La supérieure, sans manifester son étonnement, lui offrit aussitôt l’appui de son bras.

C’était le cinquième jour depuis l’arrivée de Roland, qui était seul, gardé par une femme étrangère, car les sœurs de Bon-Secours avaient dû reprendre leurs pieux travaux. La garde était une pauvre veuve, chargée de famille et digne de tout intérêt, mais elle aimait dormir. Elle dormait, droite sur sa chaise, avec son chapelet entre ses doigts. L’entrée de la supérieure et de sa compagne ne la réveilla point.

Roland était couché sur le dos, les yeux fermés, la bouche entr’ouverte. Il n’y avait entre le blanc de sa joue et le blanc de la toile que l’opposition terne qui pourrait exister entre le marbre et le linge, si quelqu’un avait fantaisie de draper une statue dans un lit. Un souffle court et faible, qui agitait brusquement sa poitrine à des intervalles irréguliers, était le seul signe de vie qu’il donnât.

La mère Françoise d’Assise arrêta d’un geste la supérieure à quelques pas du seuil et marcha elle-même jusqu’au chevet. Elle était calme et froide comme toujours.

Quand elle fut tout près du lit, elle regarda, sans courber sa taille inflexible. Les années avaient passé sur ce corps, frêle en apparence, mais qui était d’acier, sans produire autre chose qu’une sorte de lente pétrification. L’âge la laissait intacte, et c’était avec ses yeux de cent ans qu’elle lisait dans son livre de prières.

Elle regarda longtemps, — si longtemps que la supérieure étonnée prit un siège.

La supérieure, placée derrière elle, avait pu deviner seulement au mouvement de ses coudes qu’elle avait pris dans son sein un objet qui partageait avec le blessé son attention profonde.

Quand elle remit l’objet sous le revers de sa robe de bure, la supérieure put entendre un grand soupir.

La mère Françoise d’Assise remonta à sa cellule, sans mot dire et toujours appuyée au bras de la supérieure. Avant de franchir le seuil, elle murmura :