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ton avenir.

— À moi tout seul ?

— De notre avenir à tous deux, rectifia Thérèse avec un soupir. C’est grave. Écoute-moi bien, et ne pense pas à autre chose pendant que je vais te parler.

Roland se leva et prit une chaise qu’il approcha du chevet. Il s’assit.

— Tu me crois très pauvre, commença la malade avec une solennité qui n’était pas exempte d’embarras. Je suis pauvre, en effet. Cependant, je vais te confier vingt mille francs, que tu porteras…

— Vingt mille francs ! répéta Roland stupéfait. Vous ! ma mère !

Un peu de sang monta aux joues de Thérèse.

— Que tu porteras, continua-t-elle, rue Cassette, no 3, chez Me Deban, notaire.

Roland garda le silence.

La malade mit le portefeuille doré sur la couverture.

Roland la regardait. Ses joues étaient redevenues pâles comme des joues de statue. L’expression de son visage amaigri indiquait non plus l’embarras, mais une subite et profonde rêverie.

— J’aurais voulu faire cela moi-même, pensa-t-elle tout haut, mais je ne pourrais pas… de longtemps… jamais, peut-être !

Elle s’arrêta et regarda vivement son fils comme pour voir dans ses yeux ce qu’elle avait dit.

Roland avait les yeux baissés.

— Maintenant, murmura-t-elle, je parle comme cela sans savoir !

— Et que faudra-t-il dire au notaire ? demanda Roland.

— Il faudra lui dire : Mme Thérèse, de la rue Sainte-Marguerite, vous envoie ces vingt mille francs.

— Voilà tout ?

— Voilà tout.

— Le notaire me donnera son reçu ?

— Non, le notaire ne te donnera pas de reçu ; il ne peut pas te donner de reçu.

Elle sembla chercher ses mots et poursuivit avec fatigue :