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ruisselant de pierreries encadrait l’admirable majesté de sa personne dans le parallélogramme sombre, formé par l’ouverture de la porte. Elle était debout et immobile. Elle avait le masque de rigueur qui montrait seulement une étroite ligne d’ivoire au-dessous de ses cheveux et le bas de son visage.

Malgré le masque, elle fut reconnue du premier coup d’œil. Ce costume était le sien. Il lui appartenait par droit de conquête.

— Marguerite de Bourgogne ! prononcèrent quelques voix, trahissant un tout autre sentiment que le plaisir.

Et d’autres :

— Marguerite Sadoulas !

La reine ôta son masque, découvrant ce visage de vingt ans dont nous avons dit la suprême beauté. Elle était très pâle, mais elle souriait.

— Oui, mes seigneurs, fit-elle gravement, Marguerite de Bourgogne, Marguerite Sadoulas.

Puis elle ajouta, changeant de ton, avec une gaîté un peu forcée :

— Bonsoir, l’étude Deban ! vous avez un maigre souper. Je croyais trouver ici mon Buridan, Léon Malevoy…

— Ma fille, l’interrompit Comayrol, qui s’était levé, on ne nous a pas donné ton Malevoy à garder. Il y a des jours où tu nous ferais plaisir en venant ainsi nous surprendre ; mais aujourd’hui…

— Aujourd’hui, je vous gêne, l’interrompit Marguerite à son tour.

— Tu l’as dit. Aujourd’hui tu nous gênes.

Elle fit un pas en avant, développant sans effort la gracieuse richesse de sa taille. Elle portait haut sa tête souriante. Les jeunes gens l’admiraient d’un regard ardent. M. Beaufils l’examinait en connaisseur et du coin de l’œil.

— Monsieur Comayrol, reprit-elle, vous n’avez pas le droit de me tutoyer. Je ne sais pas si nous sommes amis, tous deux ; j’en doute. Faites-moi place à table, je vous prie, j’ai à causer avec vous.

En passant, elle tendit la main à Letan-