Page:Fétis - Biographie universelle des musiciens, t1.djvu/90

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
lxxxvi
RÉSUMÉ PHILOSOPHIQUE

ont pour garans les écrivains les plus graves et les plus célèbres de la Grèce.

Une sédition violente éclate à Lacédémone ; Terpandre, le plus renommé des citharèdes de son temps, se jette dans la place publique, et par ses chants, parvient à calmer le peuple. De nos jours, ce n’est point ainsi qu’on dissipe les émeutes.

Les Athéniens, fatigués de la guerre qu’ils faisaient depuis long-temps aux habitans de Mégare pour la possession de Salamine, firent une loi qui défendait, sous peine de la vie, de proposer jamais la conquête de cette île. Solon, qui n’approuvait pas la résolution qu’on avait prise à cet égard, feignit d’avoir perdu la raison, et, dans une assemblée du peuple, il prit la place du crieur public et se mit à chanter une élégie de cent vers, où il exhortait ses compatriotes à ne point renoncer à une conquête qui leur avait déjà coûté de grands sacrifices. Ses accens émurent l’assemblée au point que la loi fut immédiatement rapportée, et que les Athéniens, sous la conduite de Solon, triomphèrent de leurs ennemis et s’emparèrent de Salamine qui, depuis lors, resta sous leur domination. Cette histoire a pour garans Pausanias[1], Diogène-Laërce, Polyen[2] et quelques autres.

Un jeune homme, échauffé par le vin et furieux de ce qu’une femme qu’il aimait lui préférait un rival, excité d’ailleurs par les sons d’une flûte dont on jouait dans le mode phrygien, voulait mettre le feu à la maison de sa maîtresse ; Pythagore, que le hasard avait amené près du lieu de cette scène, ordonna à la femme qui jouait de la flûte de passer au mode dorien et de jouer dans le rhythme spondaïque, rhythme doux et harmonieux ; l’effet de ce changement fut subit, et la colère du jaloux fut à l’instant calmée[3]. Galien cite une histoire à peu près semblable. Des jeunes gens ivres et rendus furieux par une joueuse de flûte qui les excitait par un air du mode phrygien, se portaient à toutes sortes d’excès ; le musicien Damon les rendit à la raison en faisant changer de mode[4].

On connaît l’anecdote citée par Plutarque[5] sur le musicien Antigenide qui, dans un repas, sut si bien exciter l’ardeur belliqueuse d’Alexandre, que ce

  1. Lib. 1, sect. 46, de Attic, c. 40.
  2. Strat., lib. 1, c. 20.
  3. Boet. de Mus.
  4. De Placit. Hipp. et Plat., lib. 6, c. 6.
  5. De fort. Alexand. 2, p. 596, édit. Steph.