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DE L’HISTOIRE DE LA MUSIQUE


D’autre part, à l’exception de quelques passages obscurs de philosophes ou de poètes qui ont donné la torture aux commentateurs, rien n’indique l’existence de l’harmonie chez les Grecs dans les traités de musique qui nous restent d’eux.

De ces faits, qui semblent être en contradiction avec les prodiges attribués aux effets de la musique des Grecs, avec ce que nous savons de la sensibilité artistique de ce peuple, et surtout avec la perfection qu’il avait portée dans d’autres arts, sont résultées de vives discussions entre des musiciens modernes qui ne comprenaient de la musique que ce que leur éducation leur en avait appris, et des érudits qui entendaient moins encore la question, mais qui avaient pour eux des autorités respectables. Chacun raisonnait dans l’hypothèse que la musique ne peut avoir qu’un objet, qu’un principe, qu’une forme, et personne ne s’avisait que les modes d’action de cet art sur l’espèce humaine sont en nombre infini. Certes, la musique a exercé une grande puissance sur les Grecs aux beaux jours de la gloire d’Athènes ! Mais quel était son principe ? comment agissait-elle ? et quelles étaient les disposition des hommes qui se passionnaient pour ses effets ? Personne n’a songé à rien de tout cela ; en sorte qu’après avoir lu toutes les dissertations qu’on a écrites sur la musique des Grecs (elles sont en grand nombre), on en est encore à se demander ce qu’elle était en réalité. J’espère dissiper quelques doutes à cet égard, en procédant d’autre manière qu’on n’a fait jusqu’à ce jour. Avant de passer à l’examen du système musical des Grecs, je crois nécessaire de citer quelques exemples de ce qu’on a appelé les prodiges de la musique de ce peuple de l’antiquité, et de dire quelque chose de l’opinion qu’il avait de la destination de cet art.

Je ne mettrai pas au nombre des prodiges opérés par la musique les murs de Troie élevés aux accens de la lyre d’Amphion, ni les animaux féroces adoucis par les chants d’Orphée : de telles fictions prouvent seulement le goût passionné des Grecs pour la musique, et l’idée qu’ils avaient de sa puissance. Ce que j’ai à rapporter appartient aux temps historiques, et les faits

    nous n’aurons que faire de ceux qui fabriquent les trigones, les pestais et les instrumens à beaucoup de cordes ». Mais ce passage ne prouve pas que ces instrumens fussent employés de son temps ; il démontre plutôt qu’ils n’étaient pas utiles dans le système de la musique grecque. Remarquons, au reste, que οὐκ ἆρα est dans le passage de Platon un mode interrogatif qu’aucun traducteur n’a rendu, et qu’il faudrait dire : N’aurons-nous pas besoin, etc.