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RÉSUMÉ PHILOSOPHIQUE

recours aux fictions. Cependant, par une contradiction manifeste, la profession de musicien est considérée comme infame parmi les Arabes.

Après le système indien, celui des Arabes est le plus singulier, le moins rationnel qui existe sous le rapport de la formation de l’échelle musicale et de la tonalité. J’ai dit quelle impression dit à l’oreille d’un érudit musicien français le chant d’un Arabe, et comme il découvrit la cause de la sensation désagréable que ce chant lui faisait éprouver : la division de l’échelle des sons étai sans analogie avec celle dont il avait l’habitude. Cette échelle, si bizarre pour nous, si naturelle à l’oreille des habitans d’une grande partie de l’Afrique et de l’Asie, est divisée par tiers de ton, de telle sorte qu’au lieu de renfermer treize sons dans l’étendue de l’octave, elle en admet dix-huit. Dans la notation de cette échelle, M. Villoteau a essayé de représenter la position des notes par des dièses et des bémols tronqués ; mais ces signes, ou tous ceux dont il se fût servi n’auraient pu nous faire comprendre les véritables intonations de ces notes distantes par tiers de ton, car ces intonations ne tombent pas sous notre sens musical. La succession dans la mélodie de ces petits intervalles ne produit, à la première audition, d’autre effet sur l’oreille des Européens que celui d’un traînement de la voix ; les broderies multipliées, les trilles fréquens, et les petits tremblement du gosier des chanteurs, joints au nasillement dont ils font un usage continuel, complètent une musique faite pour déchirer notre oreille et pour charmer la leur.

Les principes de la musique arabe sont d’une complication effrayante : les auteurs des traités originaux que nous avons ne paraissent pas en avoir eu des idées bien nettes. Conformément au génie et aux habitudes du peuple pour qui ils écrivaient, ces auteurs affectent, dans leur style, de certaines formes emblématiques qui jettent beaucoup d’obscurité sur leur doctrine. Le langage figuré est presque constamment celui dont ils se servent, et ce langage se retrouve jusqu’aux titres mêmes de leurs ouvrages. L’un est l’arbre couvert de fleurs, dont les calices renferment les principes de l’art musical ; l’autre, la mer des sons, où vogue le vaisseau de la mélodie. Les gammes sont des circulations ; les notes, des maisons. « La méthode que suivent les Arabes dans l’enseignement de la mélodie (dit M. Villoteau[1]), n’est pas meilleure que celle qu’ils ont adoptée pour la démonstration de leur système

  1. De l’État de l’art musical en Égypte, dans la Description de l’Égypte, t. xiv p. 33 de l’édit. in-8o.