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RÉSUMÉ PHILOSOPHIQUE

ganisation qui existe entre les Européens et les divers peuples dont il vient d’être parlé, à l’égard de la musique. Qui croirait, par exemple, que le nasillement est considéré comme une beauté du chant par les prêtres grecs, par les Arabes, et par les habitans de la Syrie ? c’est cependant un fait don M. Villoteau s’est assuré lorsqu’il faisait en Égypte des recherches sur les systèmes de la musique de l’Orient. Le maître qu’il avait pris, pour apprendre le chant de l’église grecque, était un vieux prêtre à la voix maigre et tremblante, qui chantait du nez avec une sorte d’affectation et d’importance. Déjà l’élève avait remarqué ce nasillement chez tous les chanteurs qu’il avait entendus au Caire et dans les autres villes de l’Égypte, ce qu’il considérait comme le résultat de l’organisation physique de ces individus. Il était alors bien éloigné de croire que cet accent fût recherché par les Égyptiens avec autant de soin que nous en mettons à l’éviter. Bientôt il acquit la preuve que ce qui lui semblait si ridicule était une des plus grandes beautés du chant oriental ; car le vieux prêtre exigeait toujours qu’il l’imitât en cela. Il s’ensuivit des scènes fort plaisantes où le maître se courrouçait de ce que son élève riait d’une si belle chose.

Les Éthiopiens ont sur les beautés et les solennités du chant des idées qui ne sont pas moins singulières. Dans leurs livres d’offices, chaque mélodie est notée en trois modes différens ; le mode le plus bas avec peu d’ornemens est pour les jour de simple férie ; aux fêtes moyennes, leur voix s’élève et les ornemens deviennent plus fréquens ; aux grandes solennités, les prêtres s’égosillent et multiplient à l’infini les broderies du chant, persuadés que la musique est d’autant plus belle que la voix est plus haute. Dans l’Abyssinie pendant qu’on exécute ces chants, on ne cesse de battre à la porte des églises sur une grande quantité de timbales qui font un bruit effroyable, et, au dedans du temple, les prêtres et le peuple exécutent des danses tumultueuses qui dont partie des cérémonies du culte. Il est facile de comprendre quel doit être l’effet du chant au milieu de ce vacarme.

L’harmonie a-t-elle été l’une des parties constitutives de la musique des anciens habitans de l’Égypte ? Pour résoudre cette question, il faudrait avoir une connaissance exacte de la composition de l’échelle musicale et du système de tonalité de ce peuple ; car les affinités harmoniques des sons dépendent de leur succession, et vice versa. Toutefois, à défaut de renseignemens positifs, je pense qu’il est permis de se prononcer pour la négative si l’on considère l’ignorance de l’emploi simultané des sons où étaient tous les peuples qui