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RÉSUMÉ PHILOSOPHIQUE

blement qui ne se rencontre que dans la musique des prêtres grecs, des Juifs et des Arméniens. Ces différences n’ont point été saisies par M. Villoteau dans son travail, d’ailleurs excellent, sur la musique de l’église grecque ; mais elles ont été expliquées d’une manière assez nette par M. Chrisantes de Madyte, professeur de musique grecque à Constantinople, dans le troisième chapitre de son Introduction à la théorie et à la pratique de la musique ecclésiastique[1] ; et aussi dans le septième chapitre du même ouvrage.

L’analogie des signes qui servent à mesurer la valeur des sons de la musique ecclésiastique grecque avec les caractères de l’ancienne écriture démotique des Égyptiens, n’est pas moins remarquable. Ces signes, qu’on appelle muets ou grandes hypostases, sont le paraklétiké, semblable à plusieurs caractère correspondans à P ; le ligisma, l’une des lettres qui ont la valeur du kappa grec ; le kilisma, autre caractère qui répond au kappa ; le gorgon, autre caractère qui répond à la valeur du kappa ; l’argon, semblable à l’un des caractères qui répondent à T ; le pegerma, exactement semblable à l’un des caractères de l’I ; enfin, les signes hémiphonon et hemiphthoron ne sont autres que la fleur du lotos diversement tournée. Les autres grands signes du rhythme et de la mesure des sons se composent des caractères dont il a été parlé précédemment, diversement combinés et tournés[2].

Après cette analyse sommaire du système de notation de la musique ecclésiastique grecque, et la comparaison de ses signes avec ceux de l’écriture démotique des anciens Égyptiens, est-il permis de douter que cette notation fut celle de ce peuple de l’antiquité, et que Jean Damascène n’en est pas l’inventeur ? je ne le pense pas. Chez les Grecs, chez les Romains, les caractères de l’alphabet, disposés de diverses manières, servaient pour la notation de la musique ; il en fut de même pendant une partie du moyen âge. Les livres des chant des églises d’Éthiopie et des prêtres de l’Abyssinie sont encore notés aujourd’hui avec les caractères de la langue amara, et l’usage de ces livres notés paraît remonter aux premiers temps de la chrétienté : pourquoi donc les Égyptiens de l’antiquité n’auraient-ils pas aussi fait usage des riches variétés

  1. Εἰσαγωγή εἰς τὸ Θεωρητικόν καὶ πρακτικόν τὴς ἑκκλησιαστικὴς μουσικής. Paris, 1821, in-8o.
  2. On peut se convaincre de la réalité des similitudes signalées ici, par la comparaison des signes de la notation de la musique ecclésiastique grecque, donnée par M. Villoteau (Descript. de l’Égypte, t. 14, p. 381-394, édit. in-8o), avec l’alphabet démotique des Égyptiens, publié par M. Champollion, jeune (Système Hiéroglyph. des anciens Égyptiens).