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DE L’HISTOIRE DE LA MUSIQUE

trigone renversée sur une caisse sonore, et montée de cordes obliques de métal ou de boyaux qu’on frappait avec de légères baguettes. Ptolémée, mathématicien célèbre et écrivain grec sur la musique, né à Naucratès, dans le Delta, et qui vivait à Peluse dans le deuxième siècle de l’ère chrétienne, a donné dans ses Élémens harmoniques la figure de cet instrument, dont il s’est servi pour la démonstration des rapports arithmétiques des sons par les longueurs des cordes. Il lui donna le non de canon[1] : les Arabes appellent encore les variétés du psaltérion du nom générique de qanon. C’est ce même instrument qui, transporté en Europe par les Croisés, au moyen âge, est devenu le type de l’épinette, du clavecin et des autres instrumens à cordes et à clavier. Dans une ordonnance du mois de mai 1364 qui fait connaître les noms et l’emploi des musiciens ou ménestrels de la chambre du roi de France Charles v, on voit que l’un d’eux, nommé Jean Tonet de Rains (Reims), jouait du demi-canon. Ce demi-canon est la petite espèce désignée aujourd’hui par les Arabes sous le nom de santir, ou pisantir, et quelquefois, par contraction, psantir. De ces noms, les Grecs ont fait psalterion, et les écrivains du moyen âge saltérion, saltère et psaltère. Au chapitre des ménestrels de l’ordonnance sur le règlement de l’hôtel de Louis x, roi de France, datée de 1315, on trouve un Leborne, joueur de psaltérion. Les Qobtes, descendans des anciens habitans de l’Égypte, appellent encore pipsalterion un instrument polycopie propre à accompagner la voix.

Les sculptures qui décorent les temples de l’Égypte, les peintures des tombeaux, et les fouilles entreprises depuis vingt-cinq ou trente ans, ont fait connaître l’existence d’un troisième instrument qui appartient aux Égyptiens, aux Arabes et à différens peuples de l’Asie : cet instrument, dont la caisse sonore est surmontée d’un manche, est aujourd’hui connu en Égypte sous le nom d’eoud. Bien que borné à un petit nombre de cordes, cet instrument démontre, aussi bien que les harpes de diverses formes et le psaltérion, l’existence d’une échelle musicale étendue chez les Égyptiens, et le fréquent usage qu’on en faisait ; car il offrait la possibilité de varier les intonations des cordes par les diverses positions des doigts sur le manche. Aucun instrument de ce genre n’a existé chez les Grecs ni chez les Romains : je ferai voir plus loin que l’absence de cet instrument, et en général de ceux qui sont montés de beaucoup de cordes dans la haute antiquité grecque et romaine, était la

  1. La figure du canon se trouve dans un manuscrit des élémens harmoniques de Ptolémée, qui est à la Bibliothèque du Roi à Paris, coté 245 in-fol.