Page:Fétis - Biographie universelle des musiciens, t1.djvu/68

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
lxiv
RÉSUMÉ PHILOSOPHIQUE

inconnus. Nous savons seulement que ces instrumens étaient montés de cordes de boyaux, car une harpe en bois, qui fait partie du musée égyptien de Paris, avait encore quelques morceaux de cordes de cette espèce, quand on la trouva dans un hypogée, et on lui a laissé ces fragmens, qui ne diffèrent des cordes modernes que par une dessication excessive qui les fait réduire en poussière quand on les presse entre les doigts. Il paraît que ces cordes étaient faites avec des intestins de chameau ; c’est encore ainsi qu’on les fait dans le pays ; on leur donne le nom de qols.

La lyre à cordes droites se rencontre aussi sur les monumens de l’Égypte ; les instrumens de cette espèce qu’on y voit sont montés de trois ou de quatre cordes. Au-delà de la première cataracte du Nil, habite une population qu’on appelle Barâbras ou Berbères, qui a conservé la lyre antique montée de cinq cordes, dont elle se sert pour accompagner le chant. Des individus de cette tribu vont souvent au Caire pour y servir en qualité de domestiques, et ils y portent toujours leur instrument favori. Cette lyre des Barâbras est appelée kesser ; les Éthiopiens lui donnent le nom de kissar, et les habitans de la basse Égypte la nomment qytarah Barbaryeh, c’est-à-dire, cithare des Barâbras. Doit-on conclure que l’existence de la lyre en Égypte, qu’elle est originaire de ce pays, d’où elle aurait passé en Grèce, ou bien que les Grecs en sont les inventeurs ? j’avoue que je penche pour cette dernière opinion, et je crois que les instrumens dépourvus de manche et à cordes droites sont originaires de l’Occident comme ceux qui ont des tables d’harmonie et des cordes obliques le sont de l’Orient. Cette question n’est pas aussi frivole qu’on pourrait le croire, car elle tient à tout un système de musique, comme je le ferai voir par la suite. Quant aux origines fabuleuses, elle ne manquent pas à la lyre : Homère en attribue l’invention au Mercure grec ; Apollodore en fait inventeur le Mercure égyptien ou trimégiste. Suivant ce dernier écrivain, le dieu se promenant sur les bords du Nil, après que le fleuve fut rentré dans son lit, heurta du pied contre une tortue qui était restée sur la terre, qui s’y était desséchée, et dont les fibres devenues sonores résonnèrent dans ce choc. Mercure, étonné du phénomène, prit dans ses mains cet instrument naturel et le perfectionna. Chez tous les peuples, ce sont les dieux qui ont fait don de la musique aux humains, et cet art est le seul qui ait une origine céleste.

Un autre instrument d’une forme et d’un usage remarquables appartient à l’Égypte et à la Syrie : c’est celui qui est désigné dans les versions grecques et latines de la Bible sous le nom de psaltérion. Sa forme est celle d’une harpe