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DE L’HISTOIRE DE LA MUSIQUE

est allée porter en Égypte sur des monumens que les siècles avaient respectés, c’est du moins la certitude de posséder à peu près tous les renseignemens que nous pouvions désirer sur les mœurs et les arts d’un peuple singulier qui tient une grande place dans l’histoire.

Aucune analogie n’existe entre les instrumens de musique des anciens habitans de l’Égypte et ceux de l’Inde ou de la Chine ; il suffit de jeter un coup-d’œil sur les sculptures des temples et sur les peintures des tombeaux pour être convaincu que les systèmes de musique de ces contrées avaient pour base des principes tout différens. Tout se réunit, et dans le témoignage des écrivains de l’antiquité, et dans les monumens, pour démontrer que la harpe est originaire de la Syrie et de l’Égypte[1]. Cet instrument apparaît sous diverses formes sur les bas-reliefs qui ornent les temples, dans les peintures, et même dans quelques débris qui ont été retrouvés, encore montés de leurs cordes, dans des tombeaux. Tantôt c’est un trigone ou harpe à trois côtés montée de cordes obliques ; tantôt c’est un corps semi-circulaire dont les cordes sont attachées verticalement ; tantôt, enfin, c’est un corps d’instrument assez semblable à celui de notre harpe, et que des musiciens jouent de la même manière. Le voyageur Bruce avait trouvé la figure d’un de ces derniers instrumens dans un tombeau, et en avait donné un dessin fort inexact reproduit par Burney dans son histoire de la musique[2] ; depuis lors, cette figure et plusieurs autres du même genre ont été représentées d’une manière beaucoup plus satisfaisante dans la Description de l’Égypte.

Porphyre, dans sa lettre à l’Égyptien Ambon, nous a fait connaître le nom générique de ces harpes dans la langue égyptienne : ce nom était teouoini ; l’écrivain grec l’a altéré en l’écrivant tebouni[3]. Ce nom, teouoini était à l’égard des harpes, ce que celui de’’lyre était chez les Grecs : celui-ci s’appliquait également à la cythare, à la chelys, à la sambuque et à plusieurs autres variétés. Les noms particuliers des diverses espèces de harpes de l’Égypte nous sont

  1. J’ai donné d’amples éclaircissemens sur l’origine orientale des harpes, dans un morceau historique inséré au deuxième volume de la Revue musicale.
  2. Tome 1er , pl. viii.
  3. On peut consulter à ce sujet des notes intéressantes de Thomas Gale, sur le traité des mystères, de Jamblique (p. 215), la dissertation de Jablonski sur les mots égyptiens employés par les écrivains de l’antiquité (in Opuscula, t. 1er , p. 344) ; et, le mémoire de M. Villoteau sur les diverses espèces d’instrumens de musique qu’on remarque parmi les sculptures qui décorent les antiques monumens de l’Égypte.