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RÉSUMÉ PHILOSOPHIQUE

leurs écrits il n’y a rien, absolument rien dont on puisse se servir pour arriver à la vérité sur la musique de ces anciens peuples.

Diodore de Sicile dit que les Égyptiens méprisaient la musique, et qu’ils la considéraient non seulement comme inutile, mais comme nuisible aux hommes. Quelques historiens venus après Diodore l’ont copié dans cette assertion ; mais le témoignage de ces écrivains est contredit par Hérodote, plus ancien qu’eux, par Platon, et par les biographes de Pythagore, qui nous disent que ce philosophe apprit des prêtres de l’Égypte l’arithmétique, la géométrie et la musique. À défaut d’Hérodote, de Platon et de Pythagore, nous avons acquis la preuve, dans ces derniers temps, que les Égyptiens aimaient la musique et qu’ils en faisaient un fréquent usage, par la multitude d’instrumens qui figurent sur tous leurs temples, par les peintures des tombeaux des rois, et par les instrumens mêmes qui ont été retrouvés dans les hypogées.

Ces monumens nous révèlent un fait non moins certain, non moins intéressant ; c’est que l’art musical devait être dans un état d’avancement chez un peuple qui avait conçut le système de construction des instrumens que nous y remarquons, quelle que fût d’ailleurs la nature de son échelle musicale. On peut affirmer que les Égyptiens avaient porté cette partie de l’art beaucoup plus loin qu’aucun autre peuple de l’antiquité. Ce n’est que dans ces derniers temps qu’on a pu acquérir la conviction de cette vérité, car nos connaissances positives sur l’Égypte n’ont commencé qu’après l’expédition française dans ce pays. Malgré les courageuses recherches de Norden et de Pocoke, voyageurs instruits et consciencieux, nous savions peu de chose concernant cette terre classique ; les vieilles erreurs de Kircher et les érudites conjectures de Jablonski n’étaient pas des obstacles médiocres à l’introduction parmi nous de la science des faits à l’égard du royaume de Sésostris. Il ne fallut pas moins que la gigantesque entreprise de Napoléon pour nous conduire enfin dans une bonne route, et pour nous donner de meilleures notions. Ce n’est pas que l’ouvrage publié par Denon, ni même la grande description de l’Égypte exécutée par les ordres du gouvernement français, soient sur toutes choses d’une exactitude à l’abri de tout reproche ; mais du moins ces relations ont mis à notre portée une quantité considérable de documens d’une haute importance ignorés auparavant, et ont éveillé la curiosité des voyageurs qui, récemment, on complété nos connaissances par des observations plus minutieuses. Si quelque chose peut nous consoler des dévastations que la barbarie européenne