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DE L’HISTOIRE DE LA MUSIQUE

ANTIQUITÉ.

musique des égyptiens, des hébreux, et des autres peuples de l’orient.

La musique des Hébreux a été l’objet de discussions fort vives entre beaucoup de savans et de littérateurs des dix-septièmes et dix-huitièmes siècles. Ugolini a recueilli dans son Trésor de l’Antiquité sacrée une partie des dissertations qui ont été faites sur ce sujet, et en a formé un très gros volume in-folio. Tant de travaux entrepris par des hommes qui possédaient une érudition profonde semblent promettre des lumières suffisantes pour arriver à une connaissance parfaite de l’art musical des Juifs ; mais, après avoir lu tous ces ouvrages, on acquiert la conviction que leurs auteurs n’ont fait que de véritables logomachies, des dissertations à vide, où la première chose qui manquait était la matière à disserter.

Il ne reste rien du peuple hébreu ; rien qu’un livre sacré, un pays vide de monumens, et des individus épars sur la surface de la terre, sans liens de langage ni de mœurs. Des arts qu’il cultivait autrefois nous ne savons que ce que nous apprennent quelques phrases obscures de la Bible : c’est sur ces phrases, sur de simples mots même, que Mersenne, Kircher, Van Til, Lund, Calmet, Pfeiffer et beaucoup d’autres se sont consumés en doctes élucubrations, pour arriver à la conclusion inévitable qu’ils ne savaient rien de cette musique, et pour mettre à nu la vanité de leurs citations hébraïques et grecques.

Pouvait-il en être autrement ? Non, sans doute ; car non seulement la plupart de ces écrivains manquaient de connaissances suffisantes dans l’art sur lequel ils écrivaient, mais aussi ils s’obstinaient à chercher les matériaux de leurs travaux dans l’écriture sainte, dont les expressions relatives à la musique n’ont point encore de synonymie certaine. Ces auteurs savaient bien que, pendant sa longue captivité en Égypte, le peuple juif avait dû prendre des notions de toutes choses dans ce pays, alors le plus avancé dans la civilisation de tous ceux qu’on connaissait. Car d’imaginer que, dans leurs déserts, ces pâtres arabes eussent déjà des arts quelque peu perfectionnés, et qu’ils les eussent apportés chez les Égyptiens, il n’y a pas moyen. Mais à l’époque où Van Til et Kircher et Mersenne écrivaient, l’Égypte était peu ou plutôt mal connue, et l’on n’en pouvait tirer que fort peu de secours pour la musique des Hébreux. Ils aimèrent mieux se livrer au plaisir des conjectures que d’attendre, de la connaissance des faits mieux observés qu’ils ne l’avaient été jusqu’à eux, des lumières dont d’autres auraient profité. Qu’en est-il arrivé ? c’est que, de tous