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DE L’HISTOIRE DE LA MUSIQUE

l’ordre des sons de l’échelle, et le musicien les frappe alternativement avec un seul petit maillet ; ce sont le chen-king et le soung-king, instrumens du même genre, formés d’une réunion de cloches et de clochettes de diverses dimensions et intonations, et qu’on frappe aussi avec un seul marteau ; c’est le chat ou le tigre de bois de Kieou, qui porte sur son dos vingt-sept chevilles sonores accordées par demi-tons égaux, et qu’on frotte alternativement avec une petite planchette pour en tirer des sons ; c’est le koan-tsèe, espèce de flûte de Pan dont les tuyaux résonnent alternativement ; c’est le siao, instrument du même genre et à tuyaux inégaux ; enfin, c’est le tché, dont les vingt cordes de soie sont mises en vibration l’une après l’autre par une plume. Le yo et le ty, sortes de flûtes traversières dont les Chinois font usage, sont construits de manière que le passage d’une gamme dans la même gamme transposée ne peut même s’opérer sur un seul instrument, et que les musiciens doivent être pourvus d’autant de flûtes qu’il y a de gammes transposées. Le P. Amiot nous apprend que dans un orchestre composé de beaucoup d’instrumens, on voit souvent les musiciens ne donner qu’un ou deux sons, auxquels succèdent ceux des aures instrumens ; et ainsi alternativement. Dans les chants en chœur, toutes les voix sont à l’unisson ou à l’octave.

Si l’expression passionnée domine dans la musique de l’Inde, c’est le contraire dans les mélodies chinoises : celles-ci, graves, monotones comme le peuple qui les a imaginées, ont je ne sais quoi de vague et d’affadissant pour l’oreille d’un Européen. Quelle que soit la singularité des successions qui résultent de la nature de la gamme, elle ne suffit pas pour dissiper l’impression d’ennui que ces mélodies développent. La musique des Chinois est le produit nécessaire de l’organisation et des mœurs de ce peuple : elle ne peut être bonne que pour lui. Les auteurs de traités de musique cités par Amiot[1] considèrent le calme et la gravité comme une des qualités les plus nécessaires pour la bonne exécution de la musique. L’un de ces auteurs dit, en parlant de l’art de jouer du kin : « Ceux qui veulent en tirer des sons capables de charmer l’oreille, doivent avoir une contenance grave, et un extérieur bien réglé ; ils doivent le pincer légèrement, et le monter sur un ton qui ne soit ni trop haut ni trop bas. » Le prince Tsai-yu, de la dynastie des Ming, qui a écrit un traité de musique, dit aussi, d’après un ancien auteur : « Ceux qui veulent jouer du ché doivent avoir les passions mortifiées,

  1. Mém. sur la mus. des Chinois, p. 57.