Page:Fétis - Biographie universelle des musiciens, t1.djvu/56

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
lii
RÉSUMÉ PHILOSOPHIQUE

dans la théorie de l’art n’étaient pas assez profondes pour le travail qu’il avait entrepris. Il n’est pas certain d’ailleurs qu’il ait bien entendu ce qu’il a lu dans les livres chinois, et il y a lieu de douter qu’il ait lu en effet tous ceux qu’il cite. Quoi qu’il en soit, il envoya d’abord en France la traduction d’un ancien ouvrage de Ly-choang-ty sur la musique, puis il fournit un long mémoire sur le même sujet. Le premier de ces ouvrages paraît être perdu ; le second a été publié dans la collection des Mémoires concernant l’histoire, les sciences, les arts, etc., des Chinois, par les missionnaires de Peking : il en forme le sixième volume. J’en ai tiré ce que je vais dire de la musique de ce peuple, ne conservant des fastidieuses dissertations d’Amiot que ce qui est incontestable et de quelque importance.

Chez tous les peuples de l’antiquité, la musique a été en honneur à cause de son effet moral ; de là vient que la plupart des législateurs l’ont considérée comme un élément de gouvernement. Cette idée se retrouve dans l’Inde, à la Chine, en Égypte et dans la Grèce. Les Chinois l’ont conservée par tradition. Cette tradition dit : La connaissance des tons et des sons est intimement unie à la science du gouvernement, et celui qui comprend la musique est capable de gouverner[1]. « En effet (dit Ma-touan-lin), la bonne et la mauvaise musique ont une certaine relation à l’ordre et au désordre qui règnent dans l’état. Les trois premières dynasties régnèrent pendant une longue suite d’années, elles firent beaucoup de bien au peuple et le peuple exprima son contentement par la musique. » Le même écrivain dit dans un autre endroit : « L’histoire rapport que lorsque l’empereur des Soui, durant les années K’hai houang (de 581 à 600 de l’ère chrétienne), régla ce qui concernait la musique, il consulta deux sages, Ho-Soui et Wan-pao-tchong, sur ce qu’il convenait de faire ; le sentiment de Ho-Soui fut suivi et celui de Wan-pao-tchong rejeté. Ce dernier, la première fois qu’il entendit la nouvelle musique, s’écria, les larmes aux yeux, que les airs et les sons (les intervalles) étaient efféminés, dépourvus d’harmonie et dignes de mépris, et il prédit que l’empire tomberait bientôt. Mais doit-on dire que si le système de Wan-pao-tchong avait été adopté, la dynastie des Soui aurait été conservée ? certainement non ; mais nous pouvons présumer que, quoique Wan-pao-tchong ne fût pas capable de composer un morceau de musique qui pût

  1. V. la notice de M. Klaproth sur l’Encyclopédie littéraire de la Chine, par Ma-touan-lin, intitulée : Wen hian thong K’hao, Paris, imprimerie royale, 1831, in-8o de 70 p. V. aussi la Revue musicale, t. 12, p. 316 et suiv.