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DE L’HISTOIRE DE LA MUSIQUE

pourrait que faire naître l’ennui chez le lecteur. Il me suffira de dire que leur examen ne fait pas découvrir ce qui leur a fait donner le nom de modes secondaires, car leurs formes sont aussi originales, aussi significatives que celles des modes principaux. Plusieurs offrent à la vérité des gammes semblables en apparence ; ainsi, suivant la nomenclature de Soma, les modes varati, bhairavi, saindhavi, bengali, malavasri, dhanyasi, vasanti, gonstaizi, romaeri, lelità, cambodi, nettà, zaccà, et désacri, semblent être tous des gammes du ton de la mineur sans note sensible (sol dièse), à l’exception des intervalles de trois quarts de ton qui n’existent pas dans notre musique ; mais un léger examen fait voir que toutes ces gammes diffèrent entre elles par quelque suppression de note ou par la mutation des sons variables ; en sorte que l’effet de l’une est absolument différent de l’effet d’une autre.

Bien que les noms des trente-six modes soient semblables dans le livre de Soma, dans le Sangita Narayana, et dans l’ouvrage d’un écrivain nommé Myrzakhan, néanmoins les formes de ces modes sont très différentes chez ces divers auteurs ; plusieurs gammes de Soma qui ont de l’analogie avec nos gammes mineures, sont majeures dans le Sangita Narayana, et les notes variables sont disposées d’une autre manière ; ce qui augmente beaucoup le nombre des modes.

Certes, si je me sui fait comprendre dans l’exposé que je viens de faire des élémens de la musique des Hindous, le lecteur doit avoir acquis comme moi la conviction qu’un art semblable est tout différent de celui qui chez nous porte le même nom ; qu’en un mot, c’est un autre art. Chez nous la tonalité est tout uniforme, toute régulière : nous n’avons que deux modes, l’un majeur, l’autre mineur : toutes les gammes majeures sont faites sur le même modèle ; toutes les mineures se ressemblent. Dans la musique des Hindous au contraire, les modes, ou si l’on veut, les gammes, sont en grand nombre, et toutes sont différentes par quelque endroit. Enfin nous n’avons que deux intervalles simples d’un son à un autre : ce sont le demi-ton et le ton ; les Hindous en ont un troisième (le trois-quarts-de-ton), dont il nous est impossible de comprendre l’emploi systématique.

Que penser, d’après cela des assertions de William Jones et de M. Ouseley, qui vantent la douceur des mélodies de l’Inde, et qui parlent à plusieurs reprises de l’effet agréable de ces mélodies sur leur oreille ? Sir W. Jones assure qu’il n’a point aperçu de différence sensible entre la tonalité des modes Hin-