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RÉSUMÉ PHILOSOPHIQUE

de l’échelle musicale des Hindous et celle de la gamme des Européens ; car dans la première, l’intervalle est moindre du deuxième son au troisième, et du sixième au septième, que du premier au second, et du cinquième au sixième ; tandis que selon la théorie mathématique, c’est précisément le contraire dans notre gamme Et remarquez que cette différence est si considérable dans la gamme hindoue, que l’oreille d’un homme habitué à notre musique ne pourrait pas en être frappée sans éprouver la sensation la plus pénible. De très légères différences ont lieu dans la justesse absolue des intervalles, eu égard aux affinités variables de la musique européenne, et nous ne les remarquons pas à cause de la petitesse de ces différences ; mais un quart de ton ! Lorsque nous sommes péniblement affectés à l’audition d’un chanteur ou d’un instrumentiste, et que nous nous écrions qu’il chante ou qu’il joue faux, il est bien rare qu’il ait détonné d’un quart de ton. Qu’on juge, d’après cela, de l’effet que produirait sur nous le retour fréquent de l’altération considérable qui se reproduit deux fois dans l’étendue de l’échelle musicale des habitans de l’Inde !

Soma dit que le quart de ton ne peut se rendre d’une manière sensible sur le vina, mais que les différences du nombre des quarts de ton dans les intervalles de l’échelle musicale influent d’une manière très sensible sur le caractère et l’effet de chaque mode Au premier aspect, ces propositions sont contradictoires ; cependant elles n’énoncent rien que de vrai ; car le vina ayant un certain nombre de chevalets sur lesquels les doigts appuient sur les cordes pour varier les intonations, le quart de ton isolé ne peut pas plus s’y faire sentir que sur le manche d’une guitare où le doigt de l’artiste prendrait diverses positions dans l’intérieur d’une case : tous les instruments à touches fixes sont dans le même cas. Mais il n’en est pas moins vrai que les cordes du vina étant accordées d’après la théorie exposée ci-dessus, la différence du nombre des quarts de ton dans la composition des intervalles doit en effet imprimer à chaque mode un caractère particulier.

Les six ragas ou modes principaux appelés par Soma bhairava, malava, sriraga, hindola, dipaca et megha, ne sont pas présentés exactement de la même manière dans le Sangita Narayana. À les considérer avec attention, on ne trouve pas dans tous une différence sensible, et d’autres modes, qui ne sont pas présentés comme principaux par les écrivains hindous, s’offrent cependant à nous sous des formes peu analogues à ceux-ci. Guidé par d’autres principes que les auteurs anglais qui ont essayé de nous faire