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RÉSUMÉ PHILOSOPHIQUE

Mahedo, et par sa femme Parbutea ? Au milieu d’un beau jour, Mia-tusine, chanteur fameux du temps de l’empereur Akber, chante un de ces ragas destiné à la nuit, et le pouvoir de la musique est si grand que le soleil disparaît et qu’une obscurité environne le palais, aussi loin que le son de la voix peut s’étendre. Une autre de ces mélodies, le raga d’heepuck, possédait la funeste propriété de consumer le musicien qui la chantait. Ce même empereur Akber, dont il vient d’être parlé, ordonna à l’un de ses musiciens, nommé Naik-Gopaul, de lui faire entendre cette mélodie, étant plongé jusqu’au cou dans la rivière Djemnah : le malheureux obéit ; mais à peine eut-il commencé l’air magique, que des flammes s’élancèrent de son corps et le réduisirent en cendres. Un troisième chant, appelé le Mais mulaar raug, avait le pouvoir de faire tomber d’abondantes pluies ; et l’on cite à ce sujet l’histoire d’une jeune fille qui, exerçant un jour sa voix sur ce raga, attira des nuages de toutes parts, et fit tomber sur les moissons de riz du Bengale une pluis douce et rafraîchissante. De pareilles traditions indiquent l’existence très ancienne d’un art chez un peuple.

La doctrine de l’ancienne musique de l’Inde a été exposée dans des livres écrits dans la langue sacrée, dite sanscrit. Quelques-uns de ces livres ont été conservés jusqu’à l’époque actuelle : c’est dans cette source que sir William Jones[1] et M. Ouseley[2] ont puisé les renseignemens qu’ils ont publiés sur la musique des Hindous. Parmi ces ouvrages, il en est deux qui paraissent remonter à la plus haute antiquité. L’un, sous le titre de Ragavibodha (Doctrine des modes musicaux) a été écrit par Soma, qui fut à la fois chanteur, joueur célèbre de vina, poète élégant et théoricien. L’autre est intitulé Sangita Narayana : il fait partie d’une sorte d’encyclopédie connue sous le titre de Devanagari[3]. La doctrine exposée dans ces deux ouvrages n’est pas identique, car leurs auteurs ont mis des différences assez considérables dans le nombre et dans la forme des modes musicaux. Dans le tableau

  1. On the musical modes of the Hindus (in Asiatic researches, tom. 3, pag. 55, édit. de Londres.
  2. Oriental Collections, Londres 1797, in-4o.
  3. Outre ces deux ouvrages, le catalogue des manuscrits orientaux de la bibliothèque de M. Jones fait encore connaître les titres de quelques autres qui ont la musique des Hindous pour objet. Ce sont : 1o Raga Darpana, traduit du sanscrit en persan ; 2o Patriataka, en sanscrit ; 3o Hazar Dhurpæd, traité de la musique vocale ; 4o Shams-al-aswat (la mer des tons). Voyez W. Jones, Works, tom. 6, pag. 449, Londres, 1799.