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DE L’HISTOIRE DE LA MUSIQUE

passage d’un ton à un autre s’établit facilement, et la modulation y est inhérente. Chez de certains peuples, le rythme musical est le produit de la langue ; chez d’autres, il est le fruit même de la constitution de la musique.

De ce qui vient d’être dit, il faut conclure que c’est mal connaître l’essence de la musique que d’en faire un art d’imitation, comme certains écrivains, ou de vouloir assigner des limites à ses transformations, erreur commune à beaucoup de musiciens, ou enfin de lui chercher en dehors d’elle-même des règles pour en juger.

De vives discussions se sont élevées à différentes époques sur la prééminence des anciens et des modernes dans la musique, sur la connaissance que les Grecs et les Latins ont pu avoir de l’harmonie, sur les préférences à accorder aux écoles musicales de l’Allemagne, de la France ou de l’Italie, et sur les avantages ou les défauts de certains systèmes. Dans ces disputes, d’assez mauvais raisonnemens ont été faits en faveur des diverses opinions, parce qu’on a voulu comparer des choses qui n’ont point d’analogie, et parce qu’on n’a pas vu que ce qu’on attaquait ou défendait de part et d’autre était produit nécessairement par un principe ; principe qu’il fallait chercher ou dans la constitution primitive de la gamme, ou dans les modifications successives qui y furent introduites, et qui ont fini par en changer la nature. Avant tout, il fallait chercher quelles doivent être les conséquences de telle ou telle échelle mélodique ; quelles sont les affinités et les rapports des sons qui les composent ; enfin, à quelles limites les combinaisons de ces sons s’arrêtent. Alors seulement on aurait pu se faire une idée nette et de l’art particulier appartenant à chacune de ces échelles, et des circonstances qui ont dirigé les artistes dans leurs travaux ; mais personne n’y a songé. De là vient qu’en général on n’a que des notions fausses de la musique et de son histoire.

Convaincu de la vérité que je viens d’énoncer, je vais essayer de ramener cette histoire à son véritable point de vue, et je me propose de faire connaître les causes réelles des diverses transformations que la musique a éprouvées depuis l’antiquité jusqu’à l’époque actuelle. Dans cet aperçu philosophique, je me trouverai sans doute en opposition sur bien des choses avec les opinions de beaucoup d’écrivains ; mais c’est précisément pour cela que j’ai pris la plume.

L’Inde est aujourd’hui reconnue pour une des parties de la terre qui ont été les plus anciennement occupées, et dont les populations ont le mieux conservé l’empreinte de leur origine antique. Les monumens de l’ancienne mytho-