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RÉSUMÉ PHILOSOPHIQUE
de
L’HISTOIRE DE LA MUSIQUE.


[Ornement à insérer]


Moins il y a d’idées positives dans un art, plus il se prête à la transformation. N’étant pas destiné à reproduire par l’imitation certaines sensations connues, il n’y a point de modèle sur quoi il doive se régler ni à quoi on puisse le comparer. Pour se former une opinion de ses produits, on ne peut trouver qu’en lui-même la règle des jugemens qu’on en porte, et c’est le méconnaître que d’en chercher ailleurs. Telle est la musique. Bien différente de la peinture qui donne pour limite à l’imagination de l’artiste l’obligation d’imiter la nature, et de la poésie qui, dans ses fantaisies les plus audacieuses, ne peut être intelligible que par l’analogie de ses pensées avec de certaines idées générales, la musique ne fait jamais d’impression plus profonde que lorsqu’elle ne ressemble absolument à rien de ce qu’on a entendu ; lorsqu’elle crée à la fois et l’idée principale, et les moyens accessoires qui servent à développer celle-ci.

À vrai dire, la musique est un art d’émotion plutôt que de pensée : c’est en cela qu’elle se distingue des autres arts, qui ne remuent le cœur qu’après avoir frappé l’esprit. Or, les émotions peuvent se produire en nous de tant de manières ; elles sont si dissemblables selon les temps, les nations et les individus, qu’on ne saurait assigner de bornes à l’art qui les fait naître, et que non seulement les formes de cet art peuvent varier à l’infini, mais que le principe même sur lequel il repose peut se présenter sous des aspects très différens à des époques et chez des nations diverses.