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PRÉFACE.

impressions sentimentales, mais bien l’expression de la vérité absolue. Or, telles sont précisément les conséquences immédiates de cette science nouvelle que j’ai essayé de fonder et à laquelle j’ai donné le nom de philosophie de la musique. Une fois entré dans les voies de cette philosophie, je me suis senti tout à coup dépouillé de passion dans mes jugemens, et débarrassé de mes préjugés d’école. Alors, j’ai reconnu que j’avais acquis l’aptitude nécessaire pour apprécier chaque chose à sa juste et réelle valeur ; alors l’histoire générale et particulièrement de la musique, de ses révolutions, ou plutôt de ses transformations, cette histoire, dis-je, s’est offerte à moi sous un jour tout nouveau. L’incertitude qui régnait dans mon esprit à l’égard des produits de cet art s’est évanouie, et j’ai osé me dire avec une entière conviction de ne pas me tromper : ceci est bon, ceci ne l’est pas ; ceci est une conséquence nécessaire de tel ordre d’idées ou de telles circonstances, ceci est une anomalie des causes productrices.

Ce que je me disais après que le flambeau de la philosophie de la musique m’eut éclairé, j’ai cru qu’il ne m’était pas permis de le taire, et que des jugemens émanés d’une science positive d’appréciation ne pouvaient mieux trouver leur place que dans une biographie universelle des musiciens. Frappé de cette idée, j’ai repris avec plaisir un travail qui, jusque là, n’avait été pour moi qu’une source de fatigues et d’ennuis. D’une immense quantité d’articles sans liaison j’avais aperçu le moyen de faire le développement d’une théorie féconde : c’en fut assez pour me rendre tout le courage dont j’avais besoin. Non que je voulusse donner l’analyse de tout ce qui serait mentionné dans mon livre ! D’abord, cela n’était pas à mon pouvoir ; car si j’ai lu beaucoup de traités et d’histoires de la musique, si j’ai étudié une quantité considérable de partitions et de compositions de tout genre, il en est aussi beaucoup que je n’ai jamais vues. Mais eussé-je pu tout lire, tout étudier, il est des multitudes de productions dont je n’aurais voulu donner qu’une indication sommaire et matérielle, comme je l’ai fait ; car à quoi bon analyser ce qui n’a exercé aucune influence sur les progrès ou les transformations de l’art ? Peut-être dire-t-on que j’aurais pu me dispenser de parler de ces choses-là : je ne suis pas de cet avis. Il peut se présenter tel objet de recherche où les renseignemens les plus indifférens en apparence deviennent utiles : ce