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DE L’HISTOIRE DE LA MUSIQUE

vérance des maîtres et des élèves dans les études. Mais le défaut de système d’enseignement, l’isolement où se trouvaient les maîtres de ces écoles, et leurs habitudes routinières empêchaient que les méthodes se perfectionnassent, et nuisaient à la propagation du goût de l’art. Un centre d’activité manquait à l’instruction de la musique : ce centre fut créé pendant la révolution par l’établissement du conservatoire, où des ouvrages élémentaires furent faits pour toutes les branches de l’enseignement. L’élite des musiciens français et étrangers fut réunie dans cette école. Le vénérable Gossec, Grétry, Martini, Cherubini, Méhul, Berton, Lesueur, Catel, Boieldieu, en devinrent les régulateurs, et se dévouèrent à l’enseignement de quelques-unes des branches de l’art. Garat et Mengozzi y portèrent le génie et la méthode du chant. Les violinistes célèbres Kreutzer, Rode et Baillot, d’autres instrumentistes renommés s’y réunirent et y versèrent le tribut de leurs lumières. De cette association de talens distingués naquit une activité artistique, un enthousiasme, qui mirent en peu d’années le conservatoire de France à la tête de toutes les écoles de musique de l’Europe, et qui produisirent une immense quantité de chanteurs, d’instrumentistes et d’harmonistes presque tous remarquables. C’est à l’action de ces jeunes générations d’artistes que la France est redevable des immenses progrès de son éducation musicale depuis quarante ans.

Par les travaux de quelques musiciens français le système de l’harmonie et de l’art d’écrire en musique a été fondé sur des bases rationelles. J’ai déjà dit qu’il y avait dans les écoles d’Italie plus de traditions que de véritable théorie. Au commencement du dix-huitième siècle, tous les traités élémentaires d’harmonie, ou comme on disait alors d’accompagnement, présentaient les accords comme autant de faits isolés qui n’étaient pas même rattachés entre eux par la considération du renversement ; car, bien que cette considération eût donné naissance au contrepoint double, dans le seizième siècle, on n’en avait point aperçu les conséquences à l’égard de la génération des accords. Rameau fut le premier qui découvrit les lois de cette génération, en ce qui concerne les dérivés des accords parfait et de septième de la dominante. En cela il mérite la reconnaissance des harmonistes. S’il s’est trompé sur l’origine des autres accords, et si dans son système il a eu le tort d’oublier l’influence de leurs successions sur la génération du plus grand nombre, cela ne peut porter atteinte à la gloire qui lui appartient pour avoir le premier posé les bases de toute bonne théorie de l’harmonie. Kirnberger, musicien