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RÉSUMÉ PHILOSOPHIQUE

soit dans la disposition des phrases et dans le retour des idées. Scarlatti, au contraire, varia le caractère de ces morceaux, le mouvement, le rhythme, le système d’instrumentation et l’harmonie. Il fut le chef de l’école de Naples qui ne date que de lui, et qui, par les soins de Durante son élève, a produit une longue et brillante succession de musiciens de premier ordre. Scarlatti était déjà célèbre en 1680 ; il vivait encore en 1725.

Le style de la musique instrumentale avait commencé à prendre un caractère particulier dans la seconde moitié du seizième siècle. Le talent des grands organistes tels que Claude Merulo, les Gabrieli, Guammi de Lucques, Bariola de Milan, Jacques Paix d’Augsbourg, Bernard Schmidt, et autres, n’avait pas exercé une médiocre influence sur l’importance que ce genre de musique acquit vers 1610. Frescobaldi, digne successeur de ces artistes célèbres, porta plus loin qu’eux les difficultés de mécanisme dans l’art de jouer de l’orgue. Sa manière de traiter la mélodie fut aussi plus douce, plus gracieuse, son harmonie plus piquante de modulations inattendues. Quant à la forme des pièces, il paraît avoir plutôt perfectionné qu’inventé. Les toccates, les ricercari, les variations d’un thème donné, étaient des choses connues avant lui ; mais il les traita avec un goût plus fin, plus délicat qu’on ne l’avait fait jusqu’alors. Beaucoup d’ouvrages de Frescobaldi ont été écrits spécialement pour le clavecin, et l’on voit que dès lors le style de la musique destinée à cet instrument commença à se distinguer de celui de la musique d’orgue qui devint plus simple. Cette différence est surtout sensible dans les hymnes et les magnificat écrits pour l’orgue par Frescobaldi, sur le chant de l’église. Parmi les grands organistes qui ont été formés par cet artiste, on remarque particulièrement Froberger, dont la musique, chargée de difficultés d’exécution, rappelle la manière de son maître.

Dans le même temps où Frescobaldi brillait à Rome, Samuel Scheidt, non moins grand organiste, se faisait admirer à Hambourg. Ses compositions pour l’orgue sont du style le plus élevé. Moins ornées que celles de l’artiste italien, moins séduisantes par la mélodie, elles ont plus de gravité et je ne sais quoi d’âpre et de sévère qui convient à l’église et à la nature de l’instrument auquel elles sont destinées. La plus grande partie de ces compositions consiste en variations ou caprices sur des mélodies de cantiques allemands. Aux deux artistes que je viens de nommer, il faut ajouter le grand organiste hollandais Schwelling, élève de Jean Gabrieli. Ce qui reste de ses compositions instrumentales prouve qu’il était homme de génie autant qu’habile