leurs successeurs immédiats. Long-temps ils ne furent connus que de nom ; car le mérite de leurs ouvrages était ignoré. Depuis peu d’années, M. l’abbé Baini a signalé l’existence de plusieurs messes de ces vieux maîtres dans les archives de la chapelle pontificale ; j’ai trouvé quelques morceaux à trois voix de Dufay dans un manuscrit appartenant à M. de Pixérécourt, et naguère M. Kiesewetter a publié plusieurs morceaux intéressans du même auteur, de Faugues et d’Éloy. L’examen attentif de ces monumens de l’art fait découvrir une certaine supériorité de douceur d’harmonie et d’élégance de mouvement dans les ouvrages de Dufay ; peut-être à ce titre peut-on considérer ce musicien comme un chef d’école ; car, de tout temps, il y a eu des hommes de génie qui ont été les guides des artistes de leur époque.
Les progrès de l’harmonie furent remarquables dans la première partie du quinzième siècle. Les ouvrages de Dufay n’offrent presque plus de successions de quintes ; les accords consonnans y sont, en général, complets et bien enchaînés ; quelques exemples s’y rencontrent de retards de consonnances par des dissonances qui se résolvent régulièrement. Plusieurs dissonances passagères y font des sauts de tierces : mais elles ne tiennent pas essentiellement à la contexture harmonique ; elles remplacent des consonnances ; c’est une sorte d’ornement qui s’établit dans ce temps et qui s’est conservée jusque dans les ouvrages des plus célèbres musiciens du seizième siècle. Les écrivains italiens appelaient ces dissonances notes changées (note cambiate).
Deux nouveautés se font remarquer dans les ouvrages de Dufay : la première consiste dans les repos qui s’introduisent de temps en temps dans les parties, et particulièrement dans le sujet donné au tenor, afin de rendre plus sensibles le commencement des phrases. Cet artifice, nouveau alors, devint une règle pour tous les compositeurs, pendant plus de deux cents ans ; il s’est même conservé jusqu’à présent dans de certains morceaux scientifiques qu’on appelle fugues.
La seconde nouveauté mise en vogue par Dufay est le canon. On appelait alors de ce nom une règle, une obligation quelconque imposée au compositeur, comme la répétition d’une seule phrase à une partie, pendant que les autres faisaient un contrepoint ordinaire ; cette répétition se faisait, soit en augmentant la valeur des notes à chaque reprise, soit en la diminuant. Dans la seconde moitié du quatorzième siècle, on essaya aussi d’une sorte de canon qui consistait à répéter exactement dans une partie la mélodie