Page:Fétis - Artistes belges à l’Étranger, tome II, 1865.djvu/366

Cette page n’a pas encore été corrigée
(355)

tienne a l’humiliation de se voir dédaignée par un jeune Courtraisien. Peu s’en est fallu que le biographe n’ait risqué quelque insinuation attentatoire à sa réputation d’honnête dite, sans songer que la calomnie, pour s’exercer sur des morts, n’en est pas moins de la calomnie. Heureusement pour Maria ïintoret, il est facile de la défendre contre les allégations au moins légères du biographe. Il suffit pour cela d’un rapprochement de dates. Pierre Vlerick devait avoir environ vingt ans lorsqu’il partit pour l’Italie. Né en 1559, il entreprit donc ce voyage vers 1559, et, en supposant qu’il ait fait quelques haltes dans les villes intermédiaires, il arriva à Venise au commencement de 1560 au plus tard. C’était précisément l’année de la naissance de Maria Robusti, célèbre quelque vingt ans après sous le nom de Marietta Tintorella : or, on sait pertinemment que Pierre Vlerick n’est pas resté à Venise assez longtemps pour voir l’enfant parvenir à l’âge nubile et pour avoir l’occasion de refuser sa main.

Nous avons insisté sur cet épisode imaginaire de la vie de Vlerick, bien qu’il soit étranger à l’art, parce que nous voulions montrer une fois de plus comment on écrit trop souvent l’histoire, et quelles bévues est exposé à commettre le biographe qui s’attribue les privilèges du romancier.

Pierre Vlerick quitta Venise sans que la main de Maria Tintoret lui fut offerte, et sans faire, par conséquent, à Jacopo Robusti l’affront d’un refus. Il quitta Venise, non parce qu’il avait la folle passion des voyages, comme ses biographes l’ont donné à entendre, mais parce qu’il était parti pour l’Italie dans le dessein de compléter son éducation d’artiste par l’étude des chefs-d’œuvre des maîtres, et que son but n’aurait pas été atteint s’il se fût arrêté à Venise. Aurait-il pu reprendre le chemin de la Flandre sans