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Et des voix que j’entends, des bouches qui sourient,
Et de douces rumeurs tombant du soir obscur
M’appellent sous un ciel resplendissant et pur !

LE CANADIEN

Le ciel du Canada… c’est un ciel d’espérance !

L’ORPHELINE

J’y volerai gaiement tout en pleurant ma France !

(De lourds sanglots soulèvent la poitrine de la jeune fille, et des larmes abondantes inondent son visage)

LE CANADIEN, ému,

Toute une nation à tes pleurs s’unira.
Comme à toute ta joie elle se mêlera !

(La jeune fille s’est assise près du guéridon. Elle pleure silencieusement. Le Canadien plus ému, se rapproche et d’une voix très tendre :)

De quitter ton pays est-ce vraiment possible
Que ton âme en éprouve un chagrin si terrible ?
Ne crains pas que ce soit un éternel départ,
Je puis te le jurer, nous reviendrons plus tard.
À tes craintes tu peux mêler cette espérance
Que tu viendras un jour revoir ta belle France.
Et tu verrais combien, quand tu viendras la voir,
L’amour de la Patrie et l’amour du devoir
Te sembleront plus grands, plus nobles, plus sublimes,
Et le sombre avenir n’offrira plus d’abîmes.
Ton sacrifice aussi, s’il te semble éternel,
Sera le doux fardeau de ton cœur maternel.

(Se penchant vers la jeune fille)

Et puis… ne sens-tu pas le désir d’être aimée ?
Ton âme est-elle pas par l’envie animée
De savoir que l’on t’aime et qu’à ton seul bonheur
Un homme s’est voué dans toute son ardeur ?
Ah ! quelle immense joie et quel sort enviable
Apporte au cœur humain un amour véritable !
Car à l’âpre travail, à nos rudes labeurs,
Aux larmes, aux chagrins, aux regrets, aux douleurs,
Il est pour notre cœur un baume doux, suprême…
Il s’infiltre en silence et patiemment sème
Le germe précieux qui grandit à son tour
Sublime, triomphant : de baume… c’est l’amour !