Pourtant d’aller si loin je n’avais pas songé,
J’aime tant mon chez-moi bien qu’on l’ait saccagé.
C’est toujours le berceau qu’adore la jeunesse !
Je l’aime en ses débris, je l’aime en sa tristesse,
Et lui souris quand même en dépit de mes pleurs.
Puis, quitter mon jardin… abandonner mes fleurs,
Et mon étang où vient becqueter l’alouette
Et mirer gentiment sa fine silhouette…
Partir… hélas ! si loin… si loin de mon ciel pur,
Loin de tout ce que j’aime et chéris… c’est bien dur
Et c’est bien dur aussi quand la patrie est chère.
Ensuite je serai là-bas une étrangère…
Mais vos poilus pour nous ne sont pas étrangers.
Nous avons côte à côte à travers les dangers,
Sous le feu, dans la mort, appris à nous connaître.
Là-bas c’est une sœur que l’on verra paraître.
D’un peuple vous aurez le respect, l’amitié.
Lorsqu’un cœur s’est donné, ce n’est pas à moitié ;
Il se donne en entier, en toute confiance.
Et ce cœur est à vous puisqu’il est à la France.
Ce n’est pas l’étranger que le sol canadien,
Ce n’est pas l’inconnu que ce pays chrétien
Où la foi de vos rois a demeuré la même,
Car c’est toujours la France… et la France que j’aime !
La France canadienne !… Ah ! je ne doute plus,
Car il me semble voir des bras vers moi tendus,
Puis des regards si doux qu’on dirait qu’ils supplient ;
