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De vos frères combien ont méprisé ma race,
Quand nous sommes pour eux ce que fut leur Alsace !

(Revenant au ton naturel)

Et pourtant nous pouvions, orphelins délaissés,
Renier notre mère et les bons temps passés
Où, dans son cher berceau, notre première enfance
Frémissait si souvent à la voix de la France.
Puis quand, un jour, hélas ! l’enfant à son réveil
Apprit l’affreux malheur qui, durant son sommeil,
L’avait frappé soudain, en de sombres alarmes
Cet enfant se plongea pleurant toutes ses larmes ;
De son cœur angoissé s’envolèrent ces cris :
« France, je te bénis ! Mère, je te chéris » ! —
Ce fut l’énorme deuil qui pesa sur ma race.
Tout meurtri, la douleur empreinte sur sa face,
Tordu par l’ennemi sous un joug incessant,
Québec en sa fierté n’oubliait pas son sang.
Debout sur l’âpre Cap il tendait vers la France
Ses suppliantes mains et gardait l’espérance.
Car, même s’il lui faut franchir dix océans,
Une mère ne peut oublier ses enfants.
Québec, c’était l’enfant qui ne savait maudire…
À la France adorée il offrait son martyre.
Et quand l’envahisseur, levant son étendard,
Lui dit : « Voici ta loi » !… du terrible soudard
Étranger méprisant la suprême menace
Québec disait à Dieu : « Je garderai ma race » !
Or, d’une mort hideuse et du gouffre profond
Où l’ombre à la clarté se mêle et se confond,
Par l’amour filial la race fut sauvée ;
Saine et sauve la France, enfin, l’a retrouvée.

L’ORPHELINE

Vous l’avez bien prouvé cet amour filial,
Quand vous êtes venus d’un élan triomphal
Lutter, vaincre et mourir sur nos champs de bataille.
Impétueux, frappant et d’estoc et de taille,
Dans les mêmes combats où tombaient nos poilus,
Sous l’infernal torrent des meurtriers obus,
Oui vous l’avez prouvé tout cet amour immense,
Que vous avez gardé si pur pour notre France !

LE CANADIEN

Et nous l’avons prouvé dans bien d’autres combats
Devant un ennemi qui ne recule pas.