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LE CANADIEN plus ferme.

Non, mais j’en suis peu loin.

L’ORPHELINE

Il faudrait même sang, et nous me l’avons point.

LE CANADIEN

Ce même sang Gaulois ? Nous l’avons, il me semble.
Puis, Canadien-français, ces deux noms vont ensemble.

L’ORPHELINE

Mais vous êtes français de langue seulement.

LE CANADIEN

Et d’origine aussi, puisque je suis Normand.
Français d’âme et de cœur, Normand par mes ancêtres,
Que vous dire de plus ?… Est-ce que nos deux êtres,
Issus de même sang, de même nation,
Ne pourraient se lier d’éternelle union ?

L’ORPHELINE

Je ne vous dédis pas. — Pourtant de votre race
Je sais si peu de chose ; on a perdu la trace
De nos braves colons que conduisit Champlain.
Ignorés et perdus dans l’immense lointain,
Cette Nouvelle-France et ses faits héroïques
Furent bientôt mêlés à vos deux Amériques.
Votre Histoire, depuis, suivant son propre cours,
S’écarta de la nôtre en de brumeux séjours.
Si vous viviez là-bas, nous le savions à peine.
On disait quelquefois : « La terre Canadienne »,
Mais cela nous semblait dans un monde inconnu,
Vague, loin, et si loin qu’on n’y fût parvenu.
Mais à l’heure où le Boche envahissait la France.
On vous vit accourir et prendre sa défense.

LE CANADIEN

Oui, nous sommes venus de si loin sans retard
Nous joindre à vos poilus et faire notre part.
Ce ne fut pas, allez, l’attrait de la victoire
Qui conduisit nos pas, ni l’amour de la gloire ;