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L’ORPHELINE
(Secouant la tête avec tristesse)


Depuis plus de quatre ans c’est pour lui que je chante.
Le ciel me l’a ravi dans l’affreuse tourmente.

LE CANADIEN

En mourant pour la France il a fait son devoir.

L’ORPHELINE

(Revenant vers l’avant de la scène)

Seule au monde, orpheline, et n’ayant que l’espoir
De retrouver encor mon humble maisonnette,
Hier je m’en revins bien triste et bien seulette.
Que de pleurs j’ai versés en voyant ces dégâts.
J’ai même de mon frère envié le trépas.

LE CANADIEN
(Avec un tendre reproche)

Oseriez-vous songer à mourir à votre âge

L’ORPHELINE, avec un soupir

Sans appui, sans soutien, on perd tôt le courage

LE CANADIEN

Cet appui, ce soutien, vous le pourriez avoir.
De vous aussi la France exige le devoir.
Ce jour, plus que jamais, vous êtes nécessaire.
Sans famille, ce soir, et femme solitaire
Quelque brave poilu vous offrira sa main.
La femme, aujourd’hui, c’est la France de demain !

L’ORPHELINE

Qui peut avoir pitié d’une pauvre orpheline ?
Devant la pauvreté jamais l’homme s’incline !

LE CANADIEN

La fortune n’est point ni la gloire ici-bas
De l’homme intelligent et fort les seuls appas.
Chassez de votre esprit ces troublantes alarmes :
Car la femme peut tout simplement de ces charmes.
Elle a mieux que l’argent : la grâce et l’amour vrai.
Et sa vertu devient l’irrésistible attrait.