Elle se trouva donc tout à fait confuse devant Foxham qui souriait avec ironie.
Mais elle se domina aussitôt pour dire avec un léger sarcasme :
— Eh bien ! monsieur, entrez puisque vous êtes si curieux d’examiner le boudoir d’une jeune fille.
Et elle ouvrit la porte.
— Ce n’est pas la curiosité, mademoiselle, qui me pousse, et je vous assure que je ne jetterai pas le moindre regard curieux dans cette pièce que je ne veux que traverser seulement.
Et Foxham entra pour marcher en droite ligne à une autre porte en face de lui, de l’autre côté du boudoir.
Il allait ouvrir lui-même cette porte, lorsque Louise le devança pour lui barrer le chemin et lui dire d’une voix tremblante d’émotion :
— Ici, monsieur, je vous arrête !
— Pourquoi ? ricana Foxham.
— Parce que vous avez voulu voir mon boudoir et non cette chambre !
— Cette chambre… qui est la vôtre ?
— Si vous le savez, c’est déjà assez !
— Je ne crois pas, car c’est précisément là que j’ai affaire !
— Vous n’avez aucune affaire dans la chambre d’une jeune fille… c’est un sanctuaire, monsieur, que vous n’avez pas le droit de profaner !
— Pardon ! mademoiselle, cette chambre n’est plus la vôtre du moment qu’elle est habitée par une autre personne, et que cette personne appartient à mon sexe !
— Comment le savez-vous ?
— Qu’importe ! Je suppose que j’ai bien le droit de faire des perquisitions dans une maison suspecte, du moment que j’en ai reçu l’ordre !
— Mais… vous savez bien que je ne cache rien ! s’écria Louise que la colère faisait trembler.
— Pardon ! répliqua durement Foxham, vous y cachez un prisonnier en rupture de captivité !
— Ah ! s’écria Louise avec un geste farouche, vous perdez la tête ! Vous n’entrerez pas dans cette chambre, je vous le défends !
Et la jeune fille s’appuya résolument le dos à la porte et croisa les bras.
Foxham la regarda longuement… dans son regard il y avait une surprenante admiration, mais il y avait aussi un terrible sentiment de jalousie.
Après un silence il se pencha un peu vers la jeune fille et à voix basse prononça :
— Louise Darmontel… je t’aime… je te l’ai dit !… Eh bien ! là, est Saint-Vallier !… Veux-tu être ma femme ?… Saint-Vallier est libre… il restera libre… jamais il ne sera inquiété !
Louise ricana avec mépris.
— Vous êtes tout à fait fou, monsieur ! Vous savez bien que je ne serai jamais votre femme ! Je suis fiancé à Saint-Vallier… Lui, mort, je serai veuve pour toujours !
— Mais il est vivant ! rugit la voix tremblante de Foxham.
— Qu’importe !
— En ce cas, il est mon prisonnier !
— Pas encore !
— Prenez garde ! menaça sourdement Foxham les yeux chargés d’éclairs.
— Je vous défie !
Foxham se rapprocha, et Louise vit à portée de sa main la poignée de l’épée du lieutenant. Foxham scanda ces paroles :
— Voulez-vous que j’appelle mes hommes ?
— Prenez garde à votre tour, Foxham !
Et aussi rapide que la pensée, Louise Darmontel saisit la poignée de l’épée, la tira, et en menaça de la pointe le lieutenant qui recula, surpris et effrayé.
— Appelez vos hommes, maintenant ! gronda la jeune fille. Franchissez cette porte ! ajouta-t-elle avec un défi redoutable.
Foxham poussa un rugissement de rage, et s’élança vers la porte du boudoir que Louise m’avait pas refermée.
— Arrêtez ! cria Louise en courant après lui l’épée à la main.
Foxham se retourna, terrible.
Devant lui Louise Darmontel haletait… elle chancelait !
— Où allez-vous ? demanda-t-elle dans un souffle.
— Chercher mes soldats ! répondit Foxham.
— C’est inutile, balbutia la jeune fille avec un sombre abattement. Tenez ! reprenez votre épée !
Et, vacillante, le sein en tumulte, la tête perdue, la jeune fille se laissa tomber sur un siège et murmura dans un geste vague et d’une voix indistincte :
— Allez ! monsieur, complétez votre besogne de tyran !
Foxham rougit violemment. Un moment il parut indécis, et ses regards allèrent de la porte de la chambre à la porte du boudoir. Puis il considéra, comme avec pitié, Louise qui pleurait silencieusement, la figure cachée dans ses mains.
Mais bientôt il parut prendre une résolution définitive, il marcha vers la porte de la chambre et l’ouvrit brusquement.