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fait pour faire libérer votre père ! Malheureusement nous n’avons pu réussir.

— Je vous suis bien reconnaissant, monsieur, des efforts que vous avez faits pour sauver mon pauvre père. Ah ! s’il n’y avait que lui encore…

— Que dites-vous ? fit M. Darmontel avec inquiétude.

— Ah ! monsieur… tous les malheurs fondent sur nous ! Après les cachots de ce monstre…

— Ah ! oui, interrompit Darmontel avec indignation, pour peu que cela continue, la moitié de notre race sera bientôt emmurée dans les Cachots d’Haldimand ! C’est terrible !

— Hé ! s’écria Louis Du Calvet avec une grande colère, s’il n’y avait que les cachots… Mais il y a une bande d’assassins à ses ordres qui parcourent le pays !

Et le jeune homme, suffoquant de colère, rugissant, se mit à marcher avec agitation par le salon.

— Que nous apprenez-vous là ? demanda Darmontel surpris.

— Mon père, intervint Pierre Darmontel, monsieur Du Calvet vient de m’informer d’une affreuse nouvelle. Pendant qu’il était absent à Montréal, où il était allé chercher un médecin renommé pour venir au secours de sa mère qui se mourait de chagrins, des assassins sont venus qui ont mis fin aux jours de madame Du Calvet !

— Horreur ! crièrent Louise et son père.

— Oui, monsieur, affirma Louis Du Calvet en s’arrêtant devant le commerçant et en croisant les bras, j’ai trouvé le cadavre de ma mère percé de balles de pistolet !

— C’est horrible ! c’est horrible ! murmura Darmontel en prenant sa tête à deux mains.

Livide et chancelante, Louise ne pouvait parler. Tout son noble et généreux cœur se brisait devant la douleur qu’elle devinait chez le fils du grand patriote. Et Louise maintenant était d’autant plus horrifiée par la mort atroce de Mme Du Calvet, qu’elle se rappelait ce que Foxham avait dit de sa mission mystérieuse à Trois-Rivières. Ah ! cette mission… elle la connaissait bien à présent : Foxham avait conduit à Trois-Rivières une bande d’assassins !

— Oui, c’est horrible ! répétait Darmontel qui n’en pouvait croire ses oreilles.

— Horrible ! monsieur, rugit le fils de Du Calvet… Nous ne sommes plus en pays civilisé, mais en pays de barbares ! Et à présent, après ma mère, qui me dit que mon père n’a pas subi le même sort ?

— Monsieur, dit Louise, je pense que votre père est encore vivant.

— Ah ! mademoiselle, merci pour cette parole d’espoir !

— J’ai appris, ce soir, reprit la jeune fille, que votre père avait été transféré dans un autre cachot, et que ce cachot est situé dans les caves de la caserne de la rue Champlain.

— La caserne de la rue Champlain, dites-vous ?

— Et il a pour gardien le lieutenant Foxham.

— Foxham ! gronda le jeune homme. Celui qui est venu arrêter mon père ?

— Oui, monsieur, et celui, peut-être, qui a assassiné votre mère ! acheva Louise.

Louis Du Calvet bondit, ses yeux en flammes jetaient des éclairs sinistres.

— Vous dites, mademoiselle, que Foxham… Ah ! au fait, on m’a dit là-bas que c’étaient des soldats commandés par un officier qu’on n’a pu reconnaître ! Et vous dites que c’était lui ?

Le jeune homme haletait, ses dents grinçaient dans sa bouche tordue par la fureur et la haine.

— Je dis que c’est lui, mais j’ajoute « peut-être », monsieur, parce que le lieutenant Foxham s’est rendu à Trois-Rivières la semaine dernière pour y accomplir une mission secrète !

— Oh ! mais c’est lui ! mademoiselle, c’est lui ! Il n’y a plus de doute ! Oh ! merci… merci…

Et le jeune homme gagna rapidement la porte du salon.

— Où allez-vous ainsi, mon ami ? demanda M. Darmontel, inquiet.

— Où je vais, monsieur ?… Je cours tuer ce Foxham et arracher mon père à son cachot !

Et avant qu’on n’eût pu le retenir, le jeune homme s’était élancé au dehors, dans la nuit que blanchissait la neige qui commençait de tomber.

Alors Louise cria à Pierre Darmontel :

— Pierre, cours au cachot d’Hector et préviens-le de ce qui se passe ! Peut-être pourra-t-il empêcher quelque horrible catastrophe !

Pierre ne se fit pas répéter deux fois la même chose, il partit dans la direction des casernes des Jésuites où, en sa mansarde, dormait doucement Saint-Vallier.

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Louis Du Calvet courait vers la ville basse. Les Casernes de la rue Champlain !