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tout son corps entrer peu à peu dans l’affreuse machine qui le dévorait bouchée à bouchée. Les genoux venaient de passer entre les cylindres, puis ce furent les cuisses, le ventre, la poitrine… M. Godd, grimaçant dans les affres de la mort et dans les convulsions de tourments indicibles, regardait toujours. Il vit ses épaules attaquées par les premiers outils des cylindres. Il regardait encore. Il vit son cou… mais alors, lorsque le collier de fer fut mordu par les poinçons, les couteaux et les scies, il se produisit un tel crissement que M. Godd, cette fois, ferma les yeux…

M. Hamm et M. Quik avaient regardé et vu cette chose horrible avec un hébétement frisant la folie. Et ils virent disparaître la tête de M. Godd. Puis un nouveau déclic vibra, et par instinct les yeux des deux policiers se portèrent vers le gros tuyau de verre à l’autre bout de la monstrueuse machine. Nouvelle horreur et nouvelle folie… le tuyau de verre s’emplissait de sang de chairs coupées, hachées, grouillantes, fumantes ; puis ces chairs, cette charpie tombaient dans le filet. Et, chose plus extraordinaire encore, tout ce mélange affreux prenait une teinte d’un bleu sombre. Et tout à coup une trappe s’ouvrait dans le plancher, et le filet disparaissait vers des gouffres inconnus.

La machine marchait sans cesse… on eût juré qu’elle avait comme un air ironique !

L’Éthiopien s’approcha de M. Hamm. Celui-ci comprit que son tour était venu. Mais quand on l’eut débarrassé des chaînes pendues à son collier. Il sentit en lui-même une force et une vigueur insoupçonnées. Il se raidit, se fâcha, se débattit, résista… tant et si bien qu’à la fin il put saisir un Éthiopien par la taille, le soulever et le renverser par terre.

Un gong invisible retentit aussitôt. Une porte fut ouverte avec fracas dans la muraille, six géants apparurent…

À cet instant suprême M. Hamm