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sait sur lui. Et fasciné, incapable de résister à l’attraction que ce regard pénétrant exerçait sur ses sens, M. Godd quitta ses compagnons, marcha timidement vers le mystérieux coiffeur.

Celui-ci d’un geste rude lui indiqua la chaise. M. Godd obéit à l’ordre muet : il se sentait sans force, sans volonté, sans vigueur, et incapable même de demander la moindre explication. Sa langue était simplement paralysée, et tous ses membres ne fonctionnaient plus que sous l’action prodigieuse d’un mécanisme dont il ne se sentait pas le maître.

M. Godd prit place dans la chaise. Les deux Nubiens se portèrent de chaque côté toujours silencieux, toujours imperturbables. Le coiffeur tira de son oreille l’effrayant rasoir, appliqua une main puissante au menton de M. Godd et commença une opération singulière, dont parut s’étonner le chef de l’agence policière. En effet, le barbier étrange, au lieu de raser la barbe, rasait les cheveux, rasait les sourcils, rasait la moustache rousse, c’est-à-dire tout ce qu’il y avait de poils sur cette partie de l’être humain. Et il travaillait avec une telle vitesse… une vitesse vertigineuse, à ce point que la lame du rasoir lançait des éclairs brûlants. M. Godd se sentait défaillir. Tout à coup il sursauta, et, par un hasard inexplicable, sa langue et ses lèvres gémirent ces paroles :