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— Mademoiselle, répondit Jacobson, ce jardinier est placé là au figuré…

— Que figure-t-il donc ? interrogea Maria.

— Le fiancé !

Un éclat de rire plus prolongé résonna par l’immense salle à manger.

Alors le docteur dit à Benjamin :

— Mon cher garçon, j’ai suffisamment ri… ma digestion commence à en souffrir. Ensuite, je vois Pia très pâle, et Maria très livide… Passons maintenant à l’autre numéro de notre programme. Je veux, Benjamin, que tu entendes chanter ta tante. Oh ! tu possèdes une tante merveilleuse, je ne te dis que ça !… Allons au salon ! N’est-ce pas, Lina ?

— Que voulez-vous que je chante à votre neveu ?

— Ô mon Dieu ! ce que vous voudrez !

— Madame, dit Benjamin Jacobson, je vous demanderai de me chanter la TRAVIATA.

— Bravo ! crièrent Maria et Pia.

— Vive LA TRAVIATA ! clama le docteur.

L’instant d’après, la voix mélodieuse de Lina emplissait la maison silencieuse de plaintes si mélancoliques qu’une fois, malgré tous ses efforts sur lui-même, Benjamin Jacobson dut essuyer furtivement une larme à ses yeux !

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Huit heures.

Le docteur, Lina et les deux jeunes filles, tous enveloppés de riches fourrures, partaient pour se rendre au Théâtre His Majesty.

On avait voulu emmener Benjamin Jacobson, mais il avait de suite prétexté des fatigues, une lassitude qui le renversait quasi, et il s’était excusé. On lui avait alors indiqué sa chambre au troisième étage.

Le docteur avait dit, avant de partir :

— Nous ne serons pas de retour avant onze heures ou minuit. Si tu