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— Mais pourquoi, alors, boire du Philtre Bleu ? demanda Lina.

— Pour simplement acquérir l’amour, madame !

— Quoi !… s’écria Maria avec un sourire moqueur, vous n’êtes pas amoureux ?

— Je le serais peut-être, fit Benjamin Jacobson avec un sourire non moins moqueur, mais…

— Mais…

— Mais il y a une… des… une barrière.

— Cette table, veux-tu dire ? demanda le docteur.

Maria et Pia rougirent violemment.

En effet, entre Benjamin Jacobson et les deux jeunes filles il y avait la table à manger. Mais il y avait une sorte de guéridon sur lequel était posée une jardinière dans laquelle se développait une tulipe rouge.

Benjamin Jacobson ne s’était pas troublé. Seulement, son sourire se fit un peu plus moqueur quand il riposta au docteur :

— Certes, mon oncle, il y a la table… mais il y a aussi la jardinière et, naturellement, le jardinier ! Et vu, ma foi, que je n’aime pas cueillir une fleur sans la permission du jardinier…

— Qu’arrive-t-il ? demanda le docteur.

— Il arrive que je suis contraint de me passer de la fleur.

— Mais si le jardinier consentait ?… dit le docteur, qui voyait venir quelque chose d’amusant à l’adresse de Maria ou de Pia.

— Il ne consentira pas, mon oncle. Oh ! j’ai déjà essayé ça !…

— Vraiment ? fit Lina très intéressée par ce dialogue dont elle ne pouvait prévoir l’issue.

— Oui, madame… et le jardinier m’a battu ! Le docteur éclata de rire.

— Mais dites donc, monsieur Jacobson, fit Pia très curieuse et très intriguée à la fois, qu’appelez-vous ce jardinier ?